Études
𝐸𝑛 𝑚𝑒́𝑛𝑎𝑔𝑒 : l’instabilité des soins dans l’œuvre de J.-K. Huysmans
Par son troisième roman, En ménage, paru en 1881 , Huysmans rompt avec le romanesque et s’accorde encore, quoique de moins en moins, avec les idées de Zola, son maître à l’époque, qui écrivait que l’avenir de la littérature était à la « tranche de vie ». Ce roman, suite de « scènes de ménage » entre des hommes et des femmes dont les unions sont plus ou moins valorisées socialement, est l’occasion pour Huysmans d’exposer ses idées sur le mariage, le concubinage, les femmes, les rapports entre les genres et le célibat, dans une sorte de métadiscours sur l’amour et ses imperfections.
Entre amour et don de soi : 𝑐𝑎𝑟𝑒 et travail du sexe dans « Les demoiselles de Bienfilâtre » de Villiers de l’Isle-Adam
« Les demoiselles de Bienfilâtre » est le premier des Contes cruels, un recueil d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam publié chez Calmann Lévy en 1883. Le conte, avant tout une critique de la société bourgeoise parisienne de la fin du XIXe siècle, met en scène de manière ironique deux travailleuses du sexe – au sens propre du terme, puisque la narration les présente comme de véritables « ouvrières » – dont la profession est, à des fins satiriques, détachée des préjugés de l’époque. Les deux sœurs, Olympe et Henriette, véritables exemples de sollicitude et de dévouement à leur famille, pratiquent ainsi leur métier dans un esprit « d’abnégation » et de charité.
« Puisque c’est son métier » : Boule de Suif, une prostituée au cœur d’or
La nouvelle « Boule de Suif » présente la fuite en diligence de dix personnes de la ville de Rouen, occupée par les Prussiens, en direction de Dieppe. Au petit groupe hétérogène, groupe formé de bourgeois, de nobles, de commerçants, de religieuses et d’un démocrate, se joint Boule de Suif, une prostituée. Généreuse, Boule de Suif accepte, en chemin, de partager sa nourriture avec les autres voyageurs et voyageuses puisqu’ils n’ont pas apporté à manger.
𝑃𝑟𝑜𝑠𝑡𝑖𝑡𝑢𝑒́𝑒 de Victor Margueritte : l’amour vénal, ses vices et ses proies
Publié en feuilleton du 13 juin 1907 au 4 août 1907 dans Le Journal, puis peu de temps après en volume chez Fasquelle (repreneur de la librairie Charpentier, éditeur des naturalistes, lesquels sont friands du roman de la prostituée), Prostituée est le premier roman écrit seul par Victor Margueritte, c’est-à-dire sans la collaboration de son frère Paul, avec lequel il cesse de faire œuvre à deux l’année de la prépublication de Prostituée du fait de certaines divergences politiques.
La femme « qui les vengera toutes » : Denise et sa (douce) conquête du 𝐵𝑜𝑛ℎ𝑒𝑢𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑑𝑎𝑚𝑒𝑠
« Elle apportait tout ce qu’on trouve de bon chez la femme, le courage, la gaieté, la simplicité ; et, de sa douceur, montait un charme, d’une subtilité pénétrante de parfum » : figure d’une féminité qualifiée de « douce », la protagoniste Denise se démarque dans le monde égoïste décrit (et critiqué) par Zola dans Bonheur des dames. En tant que jeune femme vertueuse, grande sœur et vendeuse, elle prodigue des soins sans demander un quelconque service en retour.
Écriture et confidence : vers un « 𝑐𝑎𝑟𝑒 𝑞𝑢𝑒𝑒𝑟 » avec 𝐿𝑒 𝑃𝑢𝑟 𝑒𝑡 𝑙’𝑖𝑚𝑝𝑢𝑟 de Colette
Livre sur « Ces plaisirs… » qui lui ont valu son titre originel (plaisirs des sens, plaisirs de la chair), Le Pur et l’impur, ainsi renommé pour l’édition de 1941, porte sur une série de rencontres entre la narratrice et diverses figures d’un Paris dévergondé. Tantôt amicales, tantôt amoureuses, tantôt littéraires, ces rencontres disparates mettent en lumière un certain nombre d’enjeux qui ont effectivement tous trait au plaisir, mais surtout à ses voies marginales, qu’elles soient donjuanesques, pédérastiques ou saphiques. Au carrefour de ces histoires se trouve une narratrice, concernée de près (Charlotte, Renée Vivien, Pepe, etc.) ou de loin (les « dames de Llangollen », Amalia) par les personnages mis en scène dans leur rapport aux plaisirs de la chair, et dont l’identité renvoie, onomastiquement du moins, à l’auteure.
Femmes au travail : 𝐿𝑒𝑠 𝐶𝑒𝑟𝑣𝑒𝑙𝑖𝑛𝑒𝑠 de Colette Yver ou l’ambiguïté des valeurs du 𝑐𝑎𝑟𝑒
Publié en 1903 chez Minot puis réédité du fait de son rapide succès en 1908 chez l’éditeur parisien Félix Juven, le roman de Colette Yver (1874-1953) Les Cervelines s’inscrit dans la lignée des œuvres romanesques « moyennes » tournant-de-siècle composées par des auteures et traitant le thème de l’investissement par les femmes d’activités intellectuelles ou de carrières (en particulier libérales) autrefois exclusivement réservées aux hommes.