Entre amour et don de soi : 𝑐𝑎𝑟𝑒 et travail du sexe dans « Les demoiselles de BienfilĂątre Â» de Villiers de l’Isle-Adam

 
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Sandrine Bienvenu

 

« Les demoiselles de BienfilĂątre Â» est le premier des Contes cruels, un recueil d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam publiĂ© chez Calmann LĂ©vy en 18831. Le conte, avant tout une critique de la sociĂ©tĂ© bourgeoise parisienne de la fin du XIXe siĂšcle, met en scĂšne de maniĂšre ironique deux travailleuses du sexe – au sens propre du terme2, puisque la narration les prĂ©sente comme de vĂ©ritables « ouvriĂšres3 » – dont la profession est, Ă  des fins satiriques, dĂ©tachĂ©e des prĂ©jugĂ©s de l’époque. Les deux sƓurs, Olympe et Henriette, vĂ©ritables exemples de sollicitude et de dĂ©vouement Ă  leur famille, pratiquent ainsi leur mĂ©tier dans un esprit « d’abnĂ©gation » (DB, 10) et de charitĂ©.

Synopsis

Le rĂ©cit peut ĂȘtre divisĂ© en trois parties : le premier paragraphe, sorte de parodie de l’écriture voltairienne, cherche Ă  relativiser les pratiques culturelles de l’époque, dĂ©montrant la nature arbitraire de la morale. En soulignant que « [l]es actes sont donc indiffĂ©rents en tant que physiques : la conscience de chacun les fait, seule, bons ou mauvais » (DB, 2), le narrateur prĂ©pare les lecteur·trice·s Ă  mettre de cĂŽtĂ© leurs idĂ©aux moraux afin de bien comprendre la nature ironique du conte, oĂč le travail du sexe n’est pas considĂ©rĂ© comme immoral. La deuxiĂšme partie dresse un portrait des deux sƓurs de BienfilĂątre, Olympe et Henriette, dĂ©crites comme des femmes pieuses, humbles et dignes, qui exercent leur mĂ©tier pour venir en aide Ă  leurs parents pauvres ; bref, elles incarnent tout l’inverse de la maniĂšre dont on s’imaginait les travailleuses du sexe au XIXe siĂšcle. Finalement, la derniĂšre partie suit la dĂ©chĂ©ance de la plus jeune sƓur, Olympe qui, selon son entourage, commet une erreur impardonnable en tombant amoureuse d’un jeune Ă©tudiant pauvre, Maxime. Elle abandonne donc son travail et, puisqu’elle ne peut alors plus venir en aide Ă  sa famille, sa conscience devient si tourmentĂ©e qu’elle finit par « mour[ir] de honte » (DB, 10). Alors qu’elle est sur son lit de mort, elle voit Maxime venir vers elle, quelques Ă©cus dans les mains ; apercevant l’argent, elle se sait enfin « rachetĂ©e » de son pĂ©chĂ© et peut mourir sereinement.

Narration et ironie : perception du travail du sexe dans l’Ɠuvre

La narration, on l’aura compris, opĂšre un renversement des valeurs de l’époque dans le but d’adresser une critique Ă  la sociĂ©tĂ© bourgeoise et, plus prĂ©cisĂ©ment, Ă  l’importance que celle-ci accorde Ă  l’argent. Il ne s’agit toutefois pas d’une inversion totale des valeurs, puisque le rĂ©cit fait Ă©tat de certains prĂ©jugĂ©s entretenus Ă  l’égard du travail du sexe, particuliĂšrement ceux des bourgeois qui « ne parl[ent] de ce pandĂ©monium [le cafĂ© oĂč travaillent les deux sƓurs] qu’en baissant le ton » (DB, 4). C’est plutĂŽt l’entourage des deux sƓurs et les gens qui frĂ©quentent le cafĂ© qui ne portent pas de jugement sur leur mĂ©tier, voire les considĂšrent comme des femmes dĂ©vouĂ©es qui respectent les valeurs morales. La voix narrative fait donc fi de la peur de la contagion des maladies sexuellement transmissibles qui domine la perception du travail du sexe au XIXe siĂšcle pour prĂ©senter une fiction oĂč les travailleuses du sexe peuvent ĂȘtre des femmes vertueuses – un peu Ă  l’instar de Boule de suif4, qui prĂ©sente d’ailleurs des procĂ©dĂ©s similaires, bien que moins cyniques, Ă  ceux de Villiers de l’Isle-Adam – et ne sont pas, comme on le croyait Ă  l’époque, « paresseuses, vaniteuses, menteuses, colĂ©riques et incapables de s’éloigner du pĂ©chĂ© parce qu’incapables de contrĂŽler leurs pulsions sexuelles5 ». Ici, c’est Ă  l’inverse la pulsion amoureuse qui est rĂ©prouvĂ©e puisque c’est le fait d’aimer sans rĂ©tribution qui condamne Olympe.

Ce renversement ne constitue toutefois pas un parti pris explicite en faveur du travail du sexe : le jeu avec le discours permet plusieurs lectures diffĂ©rentes et rend donc difficile le dĂ©codage des valeurs rĂ©ellement vĂ©hiculĂ©es dans le conte. L’exemplification de ce mĂ©tier sert d’abord Ă  choquer les lecteur·trice·s pour donner plus de mordant Ă  la satire, et il n’y a donc aucune condamnation ni valorisation explicite des formes que prend, Ă  travers les deux sƓurs, le care dans le rĂ©cit. En effet, le narrateur, en plus d’inviter les lecteur·trice·s Ă  une certaine impartialitĂ© morale dans le premier paragraphe du conte, se prononce sur le caractĂšre des deux sƓurs, qui est prĂ©sentĂ© positivement, mais pas sur leur mĂ©tier. On n’en parle que par discours rapportĂ©, ce qui permet une certaine impartialitĂ© de la narration – du moins au premier regard. Par exemple, dans le passage : « lorsqu’on s’inquiĂ©tait de savoir si leurs labeurs, excessifs quelque fois, n’altĂ©raient pas leur santĂ© Â» (DB, 4), l’idĂ©e que le travail du sexe puisse altĂ©rer la santĂ© d’Olympe et Henriette est attribuĂ©e au pronom indĂ©fini « on Â». De la mĂȘme maniĂšre, le narrateur ne parle du travail du sexe qu’en Ă©voquant l’opinion de l’entourage des deux sƓurs, ce qui lui permet de ne pas prendre explicitement parti. On retrouve par exemple ce procĂ©dĂ© dans des phrases comme « Chacun reconnaissait que leur commerce Ă©tait doux, affable Â» (DB, 5) ou « Elles accomplissaient, aussi dignement que possible, (vu certains prĂ©jugĂ©s du monde), une tĂąche ingrate, souvent pĂ©nible Â» (DB, 5), oĂč l’on mentionne qu’il y a des prĂ©jugĂ©s, sans toutefois indiquer si ceux-ci sont partagĂ©s par le narrateur. Il raconte ainsi le rĂ©cit en tenant compte de l’avertissement qu’il fait aux lecteur·trice·s dans le premier paragraphe, c’est-Ă -dire sans jugement et de maniĂšre impartiale. Il faut donc lire entre les lignes pour comprendre sa position par rapport au travail du sexe.

L’ironie fonctionne surtout grĂące Ă  un jeu de fausse complicitĂ©, oĂč la narration, par l’utilisation du discours indirect libre, semble adopter le point de vue de l’entourage des deux sƓurs et reprend certains clichĂ©s de maniĂšre Ă  crĂ©er une impression de supĂ©rioritĂ© morale sur les personnages. À travers ce procĂ©dĂ©, la narration ridiculise la bourgeoisie, mais aussi les travailleuses du sexe : on dĂ©crit les femmes du cafĂ©, dont font partie Henriette et Olympe, comme « attifĂ©es de toilettes invraisemblables » (DB, 3), soulignant que leurs « yeux t[iennent] de l’émerillon et de la volaille » (DB, 3) – il est d’ailleurs pertinent de noter le rapprochement entre travailleuses du sexe et animaux, la bestialisation de ces femmes Ă©tant un procĂ©dĂ© communĂ©ment utilisĂ© Ă  l’époque pour tenter de dĂ©montrer leur vĂ©ritable caractĂšre, sauvage, immoral et, dans ce cas-ci, littĂ©ralement rapace. MalgrĂ© la prĂ©tendue impartialitĂ© de la narration, cette ridiculisation laisse donc croire qu’il n’y a pas, dans le rĂ©cit, de tentative de rĂ©habilitation du travail du sexe, et que la narration laisse d’autant plus transparaĂźtre son prĂ©jugĂ© dĂ©favorable qu’elle utilise le rapprochement Ă  celui-ci comme un moyen de dĂ©prĂ©cier la bourgeoisie. Ceci dit, il est tout de mĂȘme possible d’interprĂ©ter les personnages des deux sƓurs comme des figures du care en raison de leur mĂ©tier qui, dans une certaine mesure, consiste Ă  prendre soin des clients, Ă  leur prodiguer un service « Ă©motionnel Â» :

On peut faire un pas de plus et dĂ©fendre que la reconnaissance de la prostitution comme travail coĂŻncide Ă  sa reconnaissance comme care, avec toute la dimension affective mĂ©connue que comporte ce travail. Le contenu propre au travail sexuel fait apparaĂźtre qu’il ne rĂ©pond pas seulement Ă  des besoins sexuels non satisfaits, mais aussi Ă  des besoins affectifs et interpersonnels : ĂȘtre Ă©coutĂ©, ĂȘtre acceptĂ© comme on est (avec ses dĂ©fauts physiques, ses marottes sexuelles, ses difficultĂ©s). La prostitution connaĂźt l’humanitĂ© du sexe, les Ă©changes et les rĂ©parations narcissiques dont le sexe peut ĂȘtre le support. Ce travail d’attention et de souci dĂ©finit le care6.

IndĂ©pendamment de leur travail, les deux sƓurs reprĂ©sentent Ă©galement des figures du care dans la maniĂšre dont elles sont dĂ©crites, soit comme des femmes bienveillantes et dĂ©vouĂ©es au bien-ĂȘtre de leur famille.

Enjeux socio-économiques et critique de la bourgeoisie

Villiers de l’Isle-Adam montre l’absurditĂ© de considĂ©rer l’argent comme valeur centrale de la sociĂ©tĂ© en poussant la logique bourgeoise Ă  l’extrĂȘme – l’extrĂȘme Ă©tant ici le rapprochement de la bourgeoisie au travail du sexe, qui appartenait presque exclusivement aux classes dĂ©favorisĂ©es de la sociĂ©tĂ©. L’exemplification de ce mĂ©tier sert donc Ă  montrer comment mĂȘme un travail mĂ©prisĂ© par toute une sociĂ©tĂ© peut, lorsque dĂ©tachĂ© des prĂ©jugĂ©s qui y sont associĂ©s, entrer dans une logique capitaliste. La narration souligne de ce fait que les valeurs bourgeoises ne sont pas moralement supĂ©rieures puisqu’elles pourraient mĂȘme ĂȘtre partagĂ©es par des travailleuses du sexe. Ainsi, bien qu’il ne s’agisse pas lĂ  du propos central du conte, le rĂ©cit souligne l’incompatibilitĂ© perçue entre le care « émotionnel » et le care « de service7 ». Le ton moqueur de la voix narrative pousse les lecteur·trice·s Ă  considĂ©rer comme ridicule le fait que les travailleuses du sexe puissent ĂȘtre des femmes assez vertueuses dans leur vie privĂ©e pour prodiguer des soins Ă  leur entourage. Cependant, il souligne aussi l’hypocrisie de tolĂ©rer qu’Olympe ait des relations sexuelles avec des clients, alors qu’elle est condamnĂ©e pour avoir entretenu une relation avec Maxime gratuitement. Le rĂ©cit montre comment, au contraire des conceptions de l’époque, les deux travailleuses du sexe – ou du moins Henriette, puisqu’Olympe cĂšde finalement Ă  la tentation de l’amour – ont tout Ă  fait leur place dans la sociĂ©tĂ© bourgeoise, parce qu’elles valorisent le travail rigoureux, les apparences, la famille et, surtout, l’argent. Tout est donc vu Ă  travers le prisme Ă©conomique et le care, ici, est dĂ©fini en termes d’argent. Les moments oĂč les sƓurs sont dĂ©crites comme vertueuses et dĂ©vouĂ©es Ă  leur famille sont ceux oĂč elles les aident financiĂšrement, donnant l’impression qu’on ne peut ĂȘtre une figure du care que si l’on donne de l’argent Ă  ses proches dans le besoin. Le rĂ©cit montre, par exemple, la grandeur de leur bontĂ© d’ñme en mentionnant qu’un soir, « elles avaient rivalisĂ© d’émulation et s’étaient surpassĂ©es elles-mĂȘmes pour solder la sĂ©pulture d’un vieux [sic] oncle, lequel ne leur avait cependant lĂ©guĂ© que le souvenir de taloches variĂ©es dont la distribution avait eu lieu naguĂšre, aux jours de leur enfance. » (DB, 5) La sollicitude passe donc aussi par le sacrifice et, plus spĂ©cifiquement, par le sacrifice du corps : le travail des sƓurs est une « tĂąche ingrate, souvent pĂ©nible » (DB, 5) et constitue des « labeurs [
] excessifs » (DB, 5).

La « prostituĂ©e au cƓur d’or »

Au-delĂ  de ces considĂ©rations Ă©conomiques, le rĂ©cit reprend certains codes de la figure de la « prostituĂ©e au cƓur d’or8 » que l’on retrouve dans plusieurs romans du XIXe siĂšcle, notamment dans Boule de suif (1880), Splendeurs et misĂšres des courtisanes (1838) et La dame aux camĂ©lias (1848), en peinture et au cafĂ©-concert. Bien que, contrairement Ă  plusieurs de ces rĂ©cits, la narration ne prĂ©sente pas leur travail comme un vice qui inspire la pitiĂ©, les deux protagonistes fĂ©minines sont elles aussi bonnes et vertueuses, entraĂźnĂ©es dans le travail du sexe par nĂ©cessitĂ© financiĂšre et non par choix. Cependant, pour les besoins de la critique bourgeoise, les travailleuses du sexe ne sont pas ici « purifiĂ©es par l’amour9 », mais entachĂ©es par celui-ci, de la mĂȘme maniĂšre que les « prostituĂ©es au cƓur d’or Â» sont habituellement irrĂ©versiblement souillĂ©es par leur pĂ©chĂ©. Le principe moral sous-tendant ces reprĂ©sentations reste ainsi le mĂȘme : les deux sƓurs sont des femmes bonnes parce que, malgrĂ© leur mĂ©tier, elles sont vertueuses. Au-delĂ  du renversement des valeurs, du bien et du mal, donc, l’utilisation de cette figure reprend certaines conceptions de l’époque qui proposent des pistes d’analyse pour mieux comprendre la perception du corps, du care et des femmes : les deux sƓurs incarnent un idĂ©al de servitude jusqu’au moment oĂč Olympe retrouve une certaine agentivitĂ© en dĂ©cidant des modalitĂ©s selon lesquelles elle dispose de son corps. Elle choisit la relation avec Maxime pour son propre bien-ĂȘtre et non pour celui de ses parents, rejetant alors ce qui faisait d’elle une femme vertueuse, c’est-Ă -dire le sacrifice et le don de soi. Ainsi, lorsqu’elle sort des reprĂ©sentations du care valorisĂ©es par par la sociĂ©tĂ©, Olympe cesse d’ĂȘtre une femme bonne ; elle doit alors payer pour cet Ă©goĂŻsme, ce qui se traduit par une punition infligĂ©e sur le corps – son instrument de travail. Or, la maladie Ă©tant un chĂątiment insuffisant pour la grandeur du pĂ©chĂ©, Olympe est condamnĂ©e Ă  payer de sa vie. Son Ăąme est toutefois sauvĂ©e lorsque, Ă  la fin du rĂ©cit, Olympe est littĂ©ralement « rachetĂ©e » : elle retrouve sa valeur purement marchande et redevient « ouvriĂšre » au moment oĂč Maxime la paye enfin, effaçant en quelque sorte la faute puisque leur relation redevient alors « vĂ©nale », pour reprendre les termes de l’époque. La toute derniĂšre rĂ©plique rĂ©pond par ailleurs Ă  la citation de Goethe mise en exergue : l’argent « éclair[e] » (DB, 12) dans un moment d’illumination Ă  la fois divin — l’apparition miraculeuse de Maxime qui sauve la pĂ©cheresse – et bassement mercantile.

On comprend ainsi que Â« [l]e corps fĂ©minin, disputĂ© entre le sentiment et le profit, fai[t] l’objet d’un vĂ©ritable marchandage, et le sexe [obtient] de ce fait [...] une considĂ©ration qu’il ne mĂ©riterait pas autrement, suppléé qu’il se trouve, en l’occurrence, par sa contre-valeur d’argent ou de sentiment.10 » En effet, la relation sexuelle avec Maxime n’est pas une faute uniquement parce qu’il s’agit d’une relation sexuelle, mais parce qu’elle est marquĂ©e par l’absence de gain et qu’Olympe ne peut rien en tirer de concret ; autrement dit, elle se donne « pour rien », dans tous les sens du terme. Ce qui rend acceptable la relation sexuelle dans le cadre du travail est qu’elle n’est pas dĂ©sintĂ©ressĂ©e, en partie parce qu’elle rapporte de l’argent – argument qui, dans le rĂ©cit, n’a comme seule fonction que la critique de la bourgeoisie. Ce qui pose problĂšme, surtout, est que la relation sexuelle n’a pas lieu dans le cadre d’un service rendu aux autres, dans un don de soi, mais plutĂŽt pour soi, ce qui sous-entend une certaine agentivitĂ© de la femme qui la rend en mĂȘme temps immorale. La sexualitĂ© de la femme, Ă  part pour son utilitĂ© reproductrice, ne peut ĂȘtre excusĂ©e que si elle permet un autre don de soi : l’aide apportĂ©e aux parents ; autrement dit, elle ne peut avoir le plaisir comme seul objectif. Olympe est par ailleurs consciente de cet enjeu, ce qui donne l’impression que l’amour s’est abattu sur elle contre son grĂ© : elle reconnaĂźt le caractĂšre immoral de ce qu’elle fait, mais ne peut s’empĂȘcher d’aimer et, en tant que vĂ©ritable femme bonne du XIXe siĂšcle, accepte sa mort avec rĂ©signation, puisqu’elle sait qu’il s’agit du seul moyen de racheter sa faute.

*

Ce qui est d’abord cruel, dans le conte de Villiers de l’Isle-Adam, c’est la critique adressĂ©e Ă  la bourgeoisie, qui constitue d’ailleurs le dĂ©nominateur commun des contes du recueil. Or, pour un·e lecteur·trice contemporain·e, il semble Ă©vident qu’il y a aussi une certaine cruautĂ© dans la mort d’Olympe, dont la punition semble dĂ©mesurĂ©e, ou du moins hypocrite, considĂ©rant la faute commise. Ainsi, bien qu’elle ait Ă©tĂ© l’incarnation parfaite des idĂ©aux du care et de la sollicitude, il n’a fallu qu’une seule dĂ©cision prise dans son propre intĂ©rĂȘt et non dans celui des autres pour qu’elle doive payer de sa vie, un destin tragique qui ne peut que mettre en Ă©vidence la position prĂ©caires des femmes au XIXe siĂšcle.

Références bibliographiques

Corpus principal 

Villiers de l’Isle-Adam, Auguste de, « Les demoiselles de BienfilĂątre Â», Contes cruels, Paris, Calmann-LĂ©vy, 1893, p. 1-12 https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Demoiselles_de_ BienfilĂątre> (page consultĂ©e le 4 fĂ©v. 2021).

Corpus critique

Bernheimer, Charles, Figures of Ill Repute : Representing Prostitution in Nineteenth-century France, Durham, Duke University Press, 1997.

Comte, Jacqueline, « Stigmatisation du travail du sexe et identitĂ© des travailleurs et travailleuses du sexe Â», DĂ©viance et sociĂ©tĂ©, vol. 34, n° 3, 2010, p. 425-446.

Decottignies, Jean, Villiers le taciturne, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1983.

Laugier, Sandra, « Le care comme critique et comme fĂ©minisme Â», Travail, genre et sociĂ©tĂ©s, n° 26, 2011, p. 183-188.

Laugier, Sandra et al., « Prenons soin des putes Â», Multitudes, vol. 1, n° 48, 2012, p. 32-37.

Mensah, Maria Nengeh, « Travail du sexe : 14 rĂ©ponses Ă  vos questions Â», https://sac.uqam.ca/upload/files/publications/femmes/14questions_TravDuSexe.pdf> (page consultĂ©e le 4 fĂ©vrier 2021).

Sylvos, Françoise, « L’essence cruelle du rire : Villiers de l’Isle-Adam Â», Romantisme, n° 74, 1991, p. 73-82.


  1. On retrouve aussi, dans le recueil, les contes « VĂ©ra », « Vox populi », « Deux augures », « L’affichage cĂ©leste », « Antonie », « La machine Ă  gloire S.G.D.G. », « Duke of Portland », « Virginie et Paul », « La convive des derniĂšres fĂȘtes », « À s’y mĂ©prendre! », « Impatience de la foule », « Le secret de l’ancienne musique », « Sentimentalisme », « Le plus beau dĂźner du monde », « Le dĂ©sir d’ĂȘtre un homme », « Fleurs de tĂ©nĂšbres », « L’appareil pour l’analyse chimique du dernier soupir », « Les brigands », « La reine Ysabeau », « Sombre rĂ©cit, conteur plus sombre », « L’intersigne », « L’inconnue », « Maryelle », « Le traitement du docteur Tristan », « Conte d’amour », « Souvenirs occultes », « L’annonciateur (Ă©pilogue) » et « La chevelure ».↩

  2. Pour l’usage des termes « prostitution » et « travail du sexe », voir la brochure rĂ©digĂ©e par Maria Nengeh Mensah, en collaboration avec l’organisme Stella et le Service aux collectivitĂ©s de l’UQAM : https://sac.uqam.ca/upload/files/publications/femmes/14questions_TravDuSexe.pdf. Nous employons ici le terme « travailleuses du sexe » pour souligner la nature consentante de vendre ses services qui est reprĂ©sentĂ©e dans l’Ɠuvre. Le terme « prostituĂ©es », par sa connotation nĂ©gative, est plutĂŽt utilisĂ© dans des situations oĂč le travail du sexe est rĂ©prouvĂ©, « par [d]es chercheurs et chercheuses condamnant ces activitĂ©s sur une base de jugement moral » (Jacqueline Comte, « Stigmatisation du travail du sexe et identitĂ© des travailleurs et travailleuses du sexe », DĂ©viance et sociĂ©tĂ©, vol. 34, n° 3, 2010, p. 426), ce qui par ailleurs n’est pas le cas ici.↩

  3. Auguste de Villiers de l’Isle-Adam, « Les demoiselles de BienfilĂątre », Contes cruels, Paris, Calmann-LĂ©vy, 1893, p. 5, https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Demoiselles_de_ BienfilĂątre. DorĂ©navant, les rĂ©fĂ©rences Ă  cet ouvrage seront indiquĂ©es entre parenthĂšses dans le corps du texte par le sigle DB, suivi du numĂ©ro de la page.↩

  4. Marie Leduc, « "Puisque c’est son mĂ©tier" : Boule de suif, une prostituĂ©e au cƓur d’or » : https://avotreservice.net/notes/boule-de-suif.↩

  5. Jacqueline Comte, loc. cit., p. 429.↩

  6. Sandra Laugier et al., « Prenons soin des putes », Multitudes, vol. 1, n° 48, 2012, p. 35.↩

  7. Sandra Laugier, « Le care comme critique et comme fĂ©minisme », Travail, genre et sociĂ©tĂ©s, n° 26, 2011, p. 187.↩

  8. Charles Bernheimer, Figures of Ill Repute : Representing Prostitution in Nineteenth-century France, Durham, Duke University Press, 1997, p. 34.↩

  9. Ibid., p. 42.↩

  10. Jean Decottignies, Villiers le taciturne, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 1983, p. 15.↩

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