𝑀𝑎𝑟𝑡ℎ𝑒, ℎ𝑖𝑠𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑑’𝑱𝑛𝑒 𝑓𝑖𝑙𝑙𝑒 : la « vie plus effroyable que toutes les gĂ©hennes Â»

Marthe - Jean-Louis Forain (1879).jpg

Hans-Érik Filfe-Leitner

 

Marthe, histoire d’une fille (1876) est le premier roman publiĂ© de J.-K. Huysmans. Avec Les SƓurs Vatard (1879), son deuxiĂšme roman, qui raconte le sort de deux grisettes, Marthe a ceci de particulier, par rapport Ă  la majoritĂ© des Ɠuvres plus tardives de Huysmans, qu’il s’attache Ă  un personnage fĂ©minin et qu’il s’attarde, en quelque sorte, Ă  chercher des causes aux dĂ©fauts attribuĂ©s Ă  la fĂ©minitĂ© dans les romans subsĂ©quents de l’auteur. Les personnages masculins du reste des romans de Huysmans convergent vers une certaine unicitĂ©, vers un « type unique1 Â». L’image de la femme, cependant, y est beaucoup moins « nette Â» et plus variĂ©e2, oscillant de la grisette Ă  la garçonne, du succube Ă  l’ingĂ©nue, de la prostituĂ©e Ă  la sainte. Marthe, dans le roman, occupera plusieurs des « possibles sexuels3 Â» du corpus huysmansien : elle sera prostituĂ©e dans les rues et en maison close, semi-professionnelle entretenue ou concubine. Cinq ans avant En mĂ©nage (1881), roman sur les relations entre les sexes, Huysmans publie un roman de fille introduisant plusieurs des questions lancinantes sur le travail du fĂ©minin et de la femme, les rapports amoureux et les rapports sociaux qui imprĂ©gneront son Ɠuvre.

L’histoire d’une fille : synopsis

Marthe LandousĂ© devient orpheline Ă  15 ans. Sa faible constitution ne lui permet pas de poursuivre son mĂ©tier Ă  l’atelier de fausses perles oĂč travaillait sa dĂ©funte mĂšre et, aprĂšs avoir connu la faim, qui « la roula dans la boue des priapĂ©es4 Â», elle se met Ă  arpenter les rues pour gagner son pain. Elle trouve un jeune homme auquel elle se lie et tombe enceinte. L’enfant et le jeune homme mourront de froid, faute de combustible pour la cheminĂ©e, et Marthe devra retourner dans les rues avant de rencontrer une ancienne camarade de fabrique qui la pousse Ă  intĂ©grer une maison close. Elle connaĂźt, pendant quelques mois, une « vie plus effroyable que toutes les gĂ©hennes rĂȘvĂ©es par les poĂštes Â» (M, 33). En s’enfuyant du bordel, aprĂšs une soirĂ©e particuliĂšrement humiliante, elle tombe sur Ginginet, propriĂ©taire de thĂ©Ăątre, Ă  qui elle plaĂźt et qui l’embauche, la sauvant ainsi momentanĂ©ment de la prostitution. TrĂšs populaire auprĂšs du public masculin, Marthe finit par se lier avec un admirateur secret qui se dĂ©voile, l’écrivain LĂ©o, et ils vivent heureux en concubinage, jusqu’à ce qu’ils perdent tous deux leur emploi. La menace en filigrane de la police, qui retrace les filles et fait « des rĂąfles de femmes Â» (M, 72), fait craindre Ă  Marthe de s’humilier devant LĂ©o et elle dĂ©cide de le quitter pour retourner Ă  sa vie d’avant. Ce retour aux troupes de courtisanes du carnassier et violent Ginginet confirmera Ă  LĂ©o, qui ne voit ni la dĂ©tresse de Marthe ni la part de honte dans son dĂ©part, que Marthe est un « repoussoir Ă  l’honnĂȘtetĂ© Â» (M, 140). Il la rejettera, quand elle le suppliera de la reprendre et finira par se marier avec quelqu’un d’autre. On apprend, dans une lettre lue par un ami de LĂ©o Ă©tudiant en mĂ©decine, lors de l’autopsie de Ginginet, mort d’alcoolisme, que Marthe est Ă  nouveau employĂ©e au lupanar, et ce, pour de bon, semble-t-il :

sa vie ne changera guĂšre maintenant. – Admettons encore une alternance de richesse et de misĂšre et ce sera tout ; elle finira dans une crise d’ivrognerie ou se jettera, un jour de bon sens, dans la Seine. – En vĂ©ritĂ©, ce n’est plus la peine que nous nous occupions d’elle, et puis, que peut me faire ce qu’elle deviendra ? (M, 136-137)

Marthe prostituée

La sociĂ©tĂ© française de 1876 voyait en la prostitution un sujet littĂ©raire scandaleux et les auteurs qui l’abordaient s’exposaient Ă  des poursuites judiciaires et aux foudres des organisations morales, ce qui force les auteurs Ă  la prudence ou Ă  l’emploi de moyens dĂ©tournĂ©s5. Pour diffuser son roman, le jeune Huysmans a d’abord Ă©lu de le faire imprimer en Belgique, afin que le roman soit acheminĂ© clandestinement vers la France. Or, Huysmans est arrĂȘtĂ© Ă  son retour en France, les exemplaires qu’il apportait sont saisis par la censure et seul un petit nombre de copies continuera Ă  circuler, entre naturalistes6. La rĂ©Ă©dition de 1879, quant Ă  elle, fait face Ă  la critique qui n’y voit aucune pertinence et attribue ce roman Ă  l’obscĂ©nitĂ© gratuite7. Selon les Ă©crits de 1883 d’EugĂšne de BudĂ©, qui fondera le Bureau international contre la littĂ©rature immorale en 18938, la dangerositĂ© du naturalisme tient en ce qu’il traite de la sexualitĂ© assez ouvertement, des classes populaires, et en ce que « l’élĂ©ment fĂ©minin Â» y « prĂ©domine partout Â»9. La prostitution comme sujet permet nĂ©anmoins Ă  la littĂ©rature naturaliste d’aborder la misĂšre, les bas-fonds et l’hypocrisie de la sociĂ©tĂ© bourgeoise de l’époque ; la prostituĂ©e se retrouve au centre d’une stratĂ©gie littĂ©raire ayant pour but de montrer les parts les plus sombres de la sociĂ©tĂ© française10.

Marthe s’inscrit pleinement dans les codes et dans l’imaginaire de cette littĂ©rature prostitutionnelle auquel le public prendra goĂ»t : le personnage principal, dont le nom commence en M11, n’a plus aucun filet familial et tombe, aprĂšs des mĂ©saventures (souvent, une maternitĂ© qui se termine tragiquement), dans toute la misĂšre de la prostitution12. MalgrĂ© le cĂŽtĂ© romanesque de Marthe, Huysmans a effectuĂ© des recherches approfondies sur celles que, dans le discours de l’époque, on appelle les « filles Â». Notamment, il a colligĂ©, au ministĂšre oĂč il travaillait, la correspondance vieille de deux dĂ©cennies d’une « amoureuse de maison13 Â». Le but Ă©tait, dans son Histoire d’une fille, de faire ressentir aux lecteurs et lectrices ce que les prostituĂ©es ressentent. ConsĂ©quemment, la narration les place dans l’intĂ©rioritĂ© de Marthe, en leur dĂ©crivant ce qu’elle voit Ă  travers ses yeux14 :

Elle se sentait Ă©cƓurĂ©e et lasse, comme au sortir de longues crapules. Par instants, ses douleurs semblaient s’apaiser et elle regardait d’un Ɠil Ă©bloui les splendeurs qui l’entouraient. Ces girandoles de bougies, ces murs tendus de satin, d’un rouge mat, gaufrĂ© de fleurs en soie blanche, miroitant comme des grains d’argent, dansaient devant ses yeux et pĂ©tillaient comme de blanches Ă©tincelles sur la pourpre d’un brasier ; puis sa vue se rassĂ©rĂ©nait et elle se voyait, dans une grande glace Ă  cadre de verre, prostrĂ©e impudemment sur une banquette, coiffĂ©e comme pour aller au bal, les chairs relevĂ©es de dentelles, pimentĂ©es d’odeurs fortes. (M, 34)

Par cette intĂ©rioritĂ©, Marthe ne se classe pas d’emblĂ©e parmi les romans et les Ɠuvres littĂ©raires sur la prostitution qui versent dans le « dĂ©ni du sujet Â» tant en esthĂ©tisant la femme que par la reproduction fin-de-siĂšcle du motif de la fĂ©minitĂ© inquiĂ©tante15.

On observe la vĂ©racitĂ© de la description de Huysmans, premiĂšrement, en ce que Marthe ressent ce que Judith Trinquart, qui a Ă©tudiĂ© et dĂ©veloppĂ© des protocoles de traitement des personnes prostituĂ©es, nomme la dĂ©corporalisation, et qui consiste en la « sensation d’une sĂ©paration entre la personne et son enveloppe corporelle16 Â» :

Elle ne pouvait croire que cette image fĂ»t la sienne. Elle regardait avec Ă©tonnement ses bras poudrĂ©s de perline, ses sourcils charbonnĂ©s, ses lĂšvres rouges comme des viandes saignantes, ses jambes revĂȘtues de bas de soie cerise, sa poitrine ramassĂ©e et peureuse, tout l’appĂąt troublant de ses chairs qui frissonnaient sous les fanfioles du peignoir. Ses yeux l’effrayĂšrent, ils lui parurent, dans leur cerne de pensil, s’ĂȘtre creusĂ©s bizarrement et elle dĂ©couvrit, dans leur subite profondeur, je ne sais quelle expression enfantine et canaille qui la fit rougir sous son fard. (M, 34-35)

Cette incapacitĂ© Ă  reconnaĂźtre sa propre image dans le miroir est relevĂ©e chez ses patientes par Trinquart, plus d’un siĂšcle aprĂšs que Huysmans l’a dĂ©crite dans Marthe. La crainte de ses propres yeux (les yeux sont le miroir de l’ñme) inscrit la protagoniste aussi dans ce sentiment dissociatif que remarque Trinquart chez ses patientes17. Plus tard dans le roman, quand Ginginet, devenu lui-mĂȘme proxĂ©nĂšte, se fĂ©licite de sa mainmise sur Marthe, on dĂ©crit ainsi la condition de la fille :

Marthe Ă©tait arrivĂ©e Ă  cette phase oĂč les sens ne vivent plus que par secousses. L’amour peureux, l’amour ne vivant que de brutalitĂ©s et d’injures, le systĂšme nerveux bandĂ© Ă  l’excĂšs et ne se dĂ©tendant que sous le poids de la douleur physique, les joies de la bourbe, cette haine attendrie que l’on porte au mĂąle qui vous fouaille, les rĂ©voltes furieuses contre le servage, cette allĂ©gresse Ă  frapper son dompteur, quitte Ă  se faire Ă©craser par lui, rendirent Marthe presque folle. Elle eut des moments d’accablement et de prostration oĂč elle recevait les coups sans bouger jusqu’à ce que, hurlant de douleur, elle le suppliĂąt de ne la point tuer. (M, 101)

Puisque Trinquart conçoit « l’hypoesthĂ©sie Â» des personnes prostituĂ©es comme « un temps et un espace dans lesquels la personne dĂ©sinvestit son corps de l’aspect psychique des sensations, et un autre dans lesquels elle tente de les rĂ©investir18 Â», on peut encore jauger Ă  quel point Huysmans a visĂ© juste, adoptant mĂȘme le registre de la physiologie, en parlant des contractions et dĂ©contractions de « systĂšme nerveux Â» et du passage d’un Ă©tat de sensation Ă  l’autre, selon les besoins. Puisque Trinquart est mĂ©decin, ses recherches servent Ă  traiter les personnes qui souffrent de ce rapport Ă  leur propre corps. Son processus thĂ©rapeutique est triparti : premiĂšrement, la restauration de la parole, ensuite la dĂ©victimisation et finalement la recorporalisation19. Certaines des parties de ce processus s’apparentent bien Ă  l’éthique du care, comme la restauration de la parole ou la recorporalisation, qui passerait par des soins visant le bien-ĂȘtre corporel de la victime20. Or, dans le projet de l’Histoire d’une fille, s’il y a une volontĂ©, pouvant plus ou moins s’apparenter Ă  une tentative de leur donner une voix, de mettre en Ă©vidence les conditions dĂ©plorables des prostituĂ©es, le personnage de Marthe finit par perdre la sienne au fil du rĂ©cit (le roman se termine sur la lettre de LĂ©o Ă  des amis, et Marthe n’est plus lĂ  qu’en filigrane) et elle ne reçoit jamais vraiment les soins qu’il lui faudrait pour qu’elle soit rĂ©conciliĂ©e avec son corps. Certes, LĂ©o en prend soin, mais seulement quand elle est malade21. Quels que soient les soins apportĂ©s par LĂ©o Ă  Marthe, ce care ne rĂ©ussit Ă  la guĂ©rir de son rapport Ă  la prostitution, puisqu’elle y retournera.

Finalement, Huysmans a voulu Ă©voquer la solidaritĂ© fĂ©minine des maisons closes et des prostituĂ©es, qui peuvent prodiguer un care. Dans Marthe, cette entraide, quoique limitĂ©e, serait la seule lueur d’espoir dans ce qu’a vĂ©cu l’hĂ©roĂŻne. Marthe, quand elle est dans la rue, craignant la police ou Ginginet, peut toujours compter sur « une ancienne cabotine Â» (M, 102) ou « une ancienne camarade de fabrique Â» (M, 32) pour la sortir de sa misĂšre immĂ©diate. Toutefois, ce salut momentanĂ© passe frĂ©quemment par le rĂ©fĂ©rencement Ă  de nouveaux clients qui combleront les besoins financiers immĂ©diats. Notons que Huysmans effectue un rapprochement entre la prostitution et la fabrique de fausses perles oĂč Marthe a fait ses dĂ©buts dans le monde du travail : « Un atelier de femmes, c’est l’antichambre de Saint-Lazare. Â» (M, 24) Cela rappelle que les mĂ©tiers et le travail fĂ©minin (particuliĂšrement le travail de care) sont souvent associĂ©s Ă  la prostitution dans les romans de fille22.

Dans les bordels, « pour que la vie soit tolĂ©rable Â», il faut « un minimum de gentillesse et un respect de l’autre23 Â». Ces « Ăąmes, rendues charitables par l’ivresse Â», qui disent Ă  Marthe : « n’aie donc pas peur, tu t’y feras bien vite Â» (M, 123) n’ont pas d’autres choix que de s’épauler, ou mĂȘme, parfois, de se soigner, car « seules leurs compagnes d’infortune peuvent les comprendre et leur faire le don d’un peu de commisĂ©ration24 Â». Il faut ĂȘtre prudent, cependant, car il faut discerner ce qui aide de ce qui nuit Ă  celle qui est l’objet de ce care. Quand on coiffe et que l’on enrubanne une fille, jusqu’à ce que « chacune a[it] sur le crĂąne un Ă©tage de tignasse et au-dessus du front un tas de banderoles et de fleurs Â» (M, 123), ce pourrait ne pas ĂȘtre pour son bien, mais pour celui du client. La frontiĂšre entre le souci Ă  l’égard d’une fille que l’on pare ou que l’on encourage, et le plaisir du client est floue ; les prostituĂ©es savent d’expĂ©rience le dommage que peut faire un client insatisfait. Nous pourrions dire que les soins que se portent les filles entre elles sont vĂ©ritablement bien intentionnĂ©s et qu’ils proviennent d’une sollicitude vĂ©ritable, mais qu’ils ont pour consĂ©quence de garder Marthe dans la prostitution. Les consĂ©quences du care s’annulent alors : les soins apportĂ©s au corps de Marthe sont illusoires et cachent une volontĂ© bienveillante de lui Ă©pargner les pires conditions de la vie de prostituĂ©e. Cette bienveillance a pour effet de la maintenir dans cette vie qui la dĂ©truit. D’ailleurs, notons que les filles montrent parfois de la cruautĂ© ou de l’indiffĂ©rence pour le sort de Marthe quand elle rĂ©siste trop Ă  accomplir ce que l’on attend d’elle :

un de ces hommes lui fit signe. Elle ne bougeait, implorant du regard ses compagnes, mais toutes riaient et se gaussaient d’elle ; seule, Madame la fixait de son Ɠil mort. Elle eut peur, se leva, comme ces mules qui, aprĂšs s’ĂȘtre butĂ©es, s’élancent tout Ă  coup sous le cinglement d’un coup de fouet ; elle traversa le salon, trĂ©buchante, assourdie par une grĂȘle de cris et d’éclats de rire. (M, 37)

Il y a donc place Ă  une rĂ©flexion sur le care dans ce premier roman de Huysmans. Mais si l’on remarque sa prĂ©sence, entre autres dans la solidaritĂ© des prostituĂ©es entre elles, on peine Ă  le voir pleinement rĂ©alisĂ©. MĂȘme dans les autres domaines, comme la maternitĂ© ou le travail mĂ©nager, oĂč l’on s’attendrait Ă  retrouver la sollicitude, elle ne s’opĂšre jamais pleinement.

Marthe ménagÚre

Parmi les formes de la sollicitude qui sont inatteignables dans le roman, le care familial est le premier Ă  Ă©chouer. Marthe n’a pu profiter d’un care maternel. Avant d’ĂȘtre orpheline Ă  15 ans, elle travaillait Ă  l’atelier de fausses perles, comme sa mĂšre. En Ă©tant forcĂ©e de contribuer Ă  la subsistance de sa famille et de passer ses journĂ©es « prĂšs de son pĂšre malade Â» (M, 23), sa posture dans la relation de soin asymĂ©trique (souvent propre au care) n’est pas celle de l’enfant, de la personne qui reçoit des soins, mais celle de la pourvoyeuse. La pauvretĂ© y est pour beaucoup. Quand des souvenirs vagues et tendres de ses premiĂšres annĂ©es lui reviennent Ă  l’esprit, ils sont tricotĂ©s de misĂšre :

C’était, Ă  la vĂ©ritĂ©, jeu de nerfs tendus plus qu’une Ă©motion vraie et cependant, au mot de « mĂšre, Â» elle avait senti comme un coup dans la poitrine. Son enfance Ă  laquelle elle s’efforçait de ne pas songer, lui Ă©tait subitement apparue, sa mĂšre Ă  elle Ă©tait morte Ă  la peine, elle la revoyait, se penchant sur son berceau, baisant ses mains quand elle les sortait du lit, lui souriant avec des larmes quand la chambre Ă©tait froide. Un vieil air qu’elle lui chantait lui revint par bribes ; elle tenta de le retrouver, mais cette tension de mĂ©moire achevant de la briser, elle s’endormit d’un sommeil de plomb jusqu’au lendemain matin. (M, 69)

Le sourire en pleurs de la mĂšre qui se dĂ©sole de la tempĂ©rature de la chambre rappelle bien sĂ»r la mort de l’enfant de Marthe. La mĂšre de Marthe a peut-ĂȘtre atteint les deux premiĂšres phases du processus actif du care telles que conçues par Joan Tronto25 : se soucier de et se charger de. Ses moyens, toutefois, ne lui permettaient pas d’agir. Au moment de devoir elle-mĂȘme prodiguer des soins maternels, Ă  la suite de la triste naissance de son enfant, Marthe est trop faible pour s’occuper du nouveau-nĂ© et ne peut mĂȘme pas s’engager dans la premiĂšre des quatre phases du care : se soucier de. Pendant la mort de l’enfant, Marthe est sans connaissance et est incapable de se rendre compte que son enfant meurt. Cette phrase de Huysmans Ă  propos de la nuit fatale semble Ă©trangement accusatrice : « Seule, la fille sortit de la tourmente, plus fraĂźche et plus affriolante que jamais. Â» (M, 31) Le lecteur pourrait presque croire que l’on reproche Ă  la fille d’avoir failli Ă  ses devoirs maternels en ne mourant pas et en conservant, malgrĂ© le drame, les apparences de la vie et de la jeunesse. L’incapacitĂ© de Marthe Ă  se souvenir de la berceuse de sa mĂšre suggĂšre bien qu’il y a eu une cassure brusque, presque traumatique, par rapport Ă  son enfance. Plus tard, alors qu’elle s’enfuit du bordel, elle tombe sur une boutique de jouets :

Elle regardait avec une attention dĂ©routĂ©e les vitrines d’un marchand de jouets, les billes, les images d’Épinal, les polichinelles de bois, les petites marmites vernissĂ©es et vertes Ă  l’usage des enfants, les fioles de parfumerie taillĂ©es Ă  cĂŽtes, bouchĂ©es Ă  l’émeri et coiffĂ©es d’un casque de peau blanche, les bouteilles d’encre rouge, les paquets d’aiguilles, enveloppĂ©es de papier noir, avec les armes de l’Angleterre en or, les images de saintetĂ©, les crayons Mangin. (M, 39-40)

C’est le choc entre le monde de l’enfance choyĂ©e et celui de Marthe qui n’a pas eu d’enfance, entre celui de la grande « fille Â» et celui des petites filles. C’est Ă©galement la nostalgie d’une attention et d’une sollicitude qu’elle n’a pas connues, Ă  cause de la misĂšre, et dont elle ne pourra plus jamais ĂȘtre l’objet, parce qu’elle est mise au ban de la sociĂ©tĂ©.

Si l’indigence de Marthe l’a menĂ©e Ă  la prostitution, dans sa relation avec LĂ©o, elle l’a aussi forcĂ©e aux travaux mĂ©nagers, pour lesquels elle n’avait aucune prĂ©disposition. Marthe a « la conviction, nĂ©e des rancunes de l’artiste dĂ©daignĂ©, que la protection acquise, au prix de toutes les lĂąchetĂ©s et de toutes les vilenies, est tout ici-bas [
] Â» (M, 23). Cette citation n’est pas sans rappeler la multiplication des valeurs et la subversion de l’éthique qu’évoque Carol Gilligan, pour qui l’un des acquis du dĂ©veloppement de l’éthique du care est la pluralisation des « voix morales Â» et l’émergence d’une « moralitĂ© fĂ©minine26 Â». Cette moralitĂ© fĂ©minine tendrait vers « la prĂ©servation et l’entretien des liens humains Â», et serait en cela moins universalisable que ce que l’on pourrait dĂ©signer comme Ă©tant une moralitĂ© masculine, qui aspirerait plutĂŽt Ă  un idĂ©al de justice peu flexible et changeant selon les valeurs dominantes de l’époque27. La « moralitĂ© fĂ©minine Â» dĂ©pendrait de l’expĂ©rience ou du vĂ©cu et demanderait que chaque situation soit traitĂ©e individuellement, ce qui veut dire que, dans plusieurs cas, elle peut s’opposer Ă  l’éthique dominante28. La pluralisation des voix en engendrera donc certaines qui semblent moins justes ou morales que d’autres. Or, face Ă  la morale bourgeoise de l’époque, que d’aucuns appelleraient aujourd’hui « patriarcale Â», Marthe oppose sa propre morale, cohĂ©rente Ă©tant donnĂ© son indigence et sa souffrance, mais incompatible avec les valeurs de ses contemporains. Le travail mĂ©nager, stratĂ©gie de survie pour Marthe, est somme toute un moindre mal que la prostitution, mĂȘme s’il est surtout accompli pour Ă©viter le retour au bordel, plutĂŽt que par une vĂ©ritable sollicitude pour LĂ©o. Le soin qu’elle prodigue Ă  son amant n’est pas tout Ă  fait dĂ©sintĂ©ressĂ©.

La comparaison que Huysmans fait entre Marthe et « l’artiste dĂ©daignĂ© Â» reprend l’un des motifs rĂ©currents de son Ɠuvre : la loi du corps. Celle-ci est impĂ©rative pour Marthe, et connue des artistes, qui en plus d’avoir faim, seraient eux aussi mis au ban de la sociĂ©tĂ© (pourvu qu’ils soient de vrais artistes) et prisonniers de la marchandisation gĂ©nĂ©ralisĂ©e29. En d’autres mots : Marthe doit vendre son corps pour survivre, l’artiste doit vendre son Ăąme.

Au dĂ©but de la relation, ce care mĂ©nager fonctionne et LĂ©o voit d’un bon Ɠil l’intrusion qu’il a permise dans son intimitĂ© :

Leur premiĂšre soirĂ©e de noces fut sans pareille : Marthe rĂ©tablit l’ordre de la maison, nettoya les tiroirs, mit de cĂŽtĂ© le linge Ă  repriser, Ă©pousseta les livres et les tableaux et quand il revint pour dĂźner il trouva bon feu, lampe ne fumant pas comme d’habitude, et, dans son fauteuil, une femme gentiment Ă©bouriffĂ©e qui l’attendait, les pieds au feu, le dos Ă  table.

– Comme je vais travailler, se dit-il, maintenant que je suis si bien chez moi ! (M, 61)

Tout va rondement, en fait, tant et aussi longtemps que chacun remplit sa part du contrat. Dans cette attente d’une « femme gentiment Ă©bouriffĂ©e Â» prĂšs du foyer (image qui se veut attirante), on retrouve l’association, qui revient dans d’autres romans de Huysmans, entre le travail de la femme et le dĂ©sir de son compagnon, et, comme dans En mĂ©nage, la dĂ©tĂ©rioration de la relation entre les amants est symbolisĂ©e par l’incurie et le dĂ©sordre30 : « Au reste, elle se lassa vite du travail de chaque jour, le mĂ©nage fut balayĂ© Ă  la diable, le repas prĂ©parĂ© Ă  toute volĂ©e ; elle faisait monter d’une gargote des parts de lapin, des tranches de gigot cuit au four. LĂ©o se plaignit. Â» (M, 65) Huysmans a tout de mĂȘme prĂ©cisĂ©, au dĂ©but du roman, que Marthe n’a aucune prĂ©disposition au travail manuel :

C’était, au reste, une singuliĂšre fille. Des ardeurs Ă©tranges, un dĂ©goĂ»t de mĂ©tier, [
] une certaine paresse instinctive qu’elle tenait de sa mĂšre, si brave dans les moments pĂ©nibles, si lĂąche quand la nĂ©cessitĂ© ne la tenaillait point, fourmillaient et bouillonnaient furieusement en elle. (M, 23)

Dans les codes du « roman de fille Â», la paresse et le tempĂ©rament languissant sont souvent parmi les causes de la prostitution31. On comprend que Marthe a des regrets par rapport Ă  l’échec de son mĂ©nage avec LĂ©o, qu’elle sait comment ses travers l’empĂȘchent de fournir au mĂ©nage les soins qu’il faut afin qu’il soit sauvegardĂ© : « LĂ©o Ă©tait tout de mĂȘme un bon garçon ! je me suis conduite avec lui comme la derniĂšre des femmes. Je me grisais, sais-tu, et il me couchait et il me soignait quand j’étais malade. Â» (M, 75) Ce renversement, dans lequel c’est l’homme qui prodigue les soins qui incomberaient traditionnellement Ă  la femme, qui s’observe aussi le soir de la mort de l’enfant de Marthe, quand le jeune homme tente sans succĂšs de prendre soin du bĂ©bĂ© mourant32, accentue l’échec de la fille Ă  assumer le rĂŽle du care-giver.

Si le maternage est la forme fondamentale du care, sur laquelle se construit toute conception d’un care adĂ©quat33, que son Ă©chec soit si fulgurant dans le roman paramĂštre l’univers de Huysmans comme Ă©tant rĂ©gi par un Ă©goĂŻsme fondamental, par la rĂšgle du chacun pour soi qui est en quelque sorte la nĂ©gation de la sollicitude.

Marthe désirée

Comme prĂ©cĂ©demment mentionnĂ©, Marthe n’est pas un roman qui se complaĂźt dans le « dĂ©ni du sujet Â», mais il faut aborder une ambivalence : si la descente de l’hĂ©roĂŻne dans l’enfer prostitutionnel est celle d’un sujet souffrant, Marthe devient volontairement un objet de dĂ©sir esthĂ©tisĂ© dans les scĂšnes de cabaret. Le spectacle offert au public du cabaret Bobino l’est aussi aux lecteurs et lectrices. Selon Maud Pallut, « la fille publique, prostituĂ©e ou comĂ©dienne, appartient au monde des signes plus qu’au rĂ©el Â» et « Huysmans n’appelle pas tant son lecteur Ă  croire sa version de la prostituĂ©e, mais plutĂŽt Ă  lui dire que cette femme inconnaissable peut faire l’objet de remplissages artistiques puisqu’elle est en quelque sorte un bien culturel public34 Â». Pourtant, si la dĂ©marche de Huysmans se veut vraiment celle, objective, du naturalisme, avec enquĂȘtes et entrevues, c’est qu’il a le souci que le lecteur, non seulement, croie Ă  sa version de la prostituĂ©e, mais aussi que celle-ci soit vĂ©ridique. En quelque sorte, l’on pourrait plutĂŽt suggĂ©rer que Marthe, Ă  mesure que Huysmans l’écrit, lui glisse des mains, qu’elle lui Ă©chappe pour passer de cette femme bien recherchĂ©e et Ă©tudiĂ©e, Ă  laquelle il voudrait que l’on croie, au signe culturel imbibĂ© des fantasmes35 et des leitmotivs du roman de fille.

Marthe n’est nulle part tant dĂ©sirĂ©e qu’au cabaret, quand elle se prĂ©sente devant les yeux du public masculin captivĂ©. Alors que les juges de la salle sont impitoyables pour d’autres36, Marthe plaĂźt et a le physique de l’emploi :

Marthe parut : le charivari cessa.

Elle Ă©tait charmante avec son costume qu’elle avait elle-mĂȘme dĂ©coupĂ© dans des moires et des soies Ă  forfait. Une cuirasse rose, couturĂ©e de fausses perles, une cuirasse d’un rose exquis, de ce rose faiblissant et comme expirĂ© des Ă©toffes du Levant, serrait ses hanches mal contenues dans leur prison de soie ; avec son casque de cheveux opulemment roux, ses lĂšvres qui titillaient, humides, voraces, rouges, elle enchantait, irrĂ©sistiblement sĂ©duisante. (M, 15-16)

Cette description, comme d’autres dans le roman, est Ă©rotique. Elle suggĂšre la hanche derriĂšre la soie, le baiser qu’attendent les Ă©vocatrices « lĂšvres qui titillaient, humides, voraces, rouges Â». Notons l’ironie de retrouver Marthe parĂ©e de fausses perles, vraisemblablement produites dans les ateliers nocifs qui ont tuĂ© sa mĂšre, comme si le dĂ©sir faisait dans son sillage encore plus de victimes et de prisonniers qu’on ne le pense, comme si Marthe avait toujours travaillĂ© pour lui, mĂȘme quand elle Ă©tait jeune ouvriĂšre.

Il y a donc, dans le sort de Marthe, dans sa « prison de soie Â», quelque chose d’inĂ©vitable, dĂ» Ă  son aversion pour le travail manuel et Ă  sa pauvretĂ©, dĂ©jĂ  mentionnĂ©es, mais aussi Ă  l’» attraction du vide sur lequel on se penche Â» (M, 125) et Ă  ce que l’on pourrait appeler « la condition fĂ©minine Â», que Huysmans semble, malgrĂ© les jugements qu’on lui connaĂźt plus tard, dĂ©plorer. L’attirance du « vide Â» tient en ce que Marthe, qui a connu les beuveries, l’autodestruction par l’alcool et les noces, a parfois l’impulsion d’y retourner :

Elle ne se dissimulait pas les douloureuses voluptĂ©s de cette servitude, et cependant elle Ă©tait attirĂ©e par elles comme un insecte par le feu des lampes ; tout lui semblait valoir mieux d’ailleurs, le pĂ©ril des tempĂȘtes, la chasse sans merci, que cette navrante solitude qui la minait. (M, 127)

C’est l’image de Marthe que reprĂ©sente l’eau forte rĂ©alisĂ©e par Jean Forain en frontispice de l’édition de 1879 : elle tient une bouteille dans ses mains, ses yeux sont vides et ivres, et elle sourit bĂ©atement, consommĂ©e par « ces ardeurs et [
] ces fiĂšvres qui la faisaient dĂ©lirer et se tordre, comme cette frĂ©nĂ©sie et ce vertige qui font ululer et bondir les derviches hurleurs affolĂ©s par le tournoiement de leurs rondes ! Â» (M, 125) Le choix de cette vie est aussi pour la fille « l’abdication volontaire des luttes d’ici-bas Â» (M, 125), une forme de suicide.

Le premier roman de Huysmans n’est pas sans Ă©voquer l’exclamation d’un personnage de la nouvelle Un dilemme (1887) : « On voit bien que les lois sont fabriquĂ©es par les hommes ; tout pour eux, rien pour nous37 Â». Huysmans semble vraiment comprendre la souffrance des femmes dans la sociĂ©tĂ© française du XIXe siĂšcle, mais il n’appelle pas pour autant Ă  leur Ă©mancipation38 et n’excuse pas tout Ă  fait les travers qu’il leur prĂȘte. Il comprend nĂ©anmoins qu’elles font ce qu’elles doivent pour survivre. AprĂšs tout, selon lui, l’artiste s’abaisse aussi pour gagner son pain39, ce qui ouvre un espace de sympathie entre l’écrivain et la femme. Ironique, Huysmans fait dire au proxĂ©nĂšte Ginginet, qui s’adresse Ă  Marthe : « Tu as le plus beau sort qu’une femme puisse envier Â» (M, 95). Difficile de ne pas voir lĂ  une forme de dĂ©nonciation.


Références bibliographiques

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Corpus secondaire

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  1. Jeannine Paque, « “Belle affreusement” : la femme dans l’art, un dĂ©sastre sans remĂšde », dans Jean-Pierre Bertrand, Sylvie Duran et Françoise Granby (dir.), Huysmans Ă  cĂŽtĂ© et au-delĂ  : actes du colloque de Cerisy-la-Salle, Paris, Peeters Vrin, 2001 [1998], p. 169.↩

  2. Ibid.↩

  3. Jacques Dubois, « Condition littĂ©raire et marchĂ© sexuel dans En mĂ©nage », dans Jean-Pierre Bertrand, Sylvie Duran et Françoise Granby (dir.), op. cit., p. 94.↩

  4. Joris-Karl Huysmans, Marthe, histoire d’une fille, Paris, Les Ă©ditions G. CrĂšs et cie, 1928 [1876], p. 28. DorĂ©navant, les rĂ©fĂ©rences Ă  cet ouvrage seront indiquĂ©es entre parenthĂšses dans le corps du texte par la lettre M, suivie du numĂ©ro de la page.↩

  5. Maud Pallut, Le « roman de fille » et sa modernitĂ© : Marthe, histoire d’une fille, La fille Élisa et La sortie d’AngĂšle, mĂ©moire de maĂźtrise, UniversitĂ© Grenoble Alpes, 2017, p. 63.↩

  6. Ibid., p. 64.↩

  7. Ibid.↩

  8. Annie Stora-Lamarre, « Le livre en question. La censure au CongrĂšs international contre la pornographie (Paris, 1908) », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, no 7, 1989, p. 90.↩

  9. Maud Pallut, op. cit., p. 62.↩

  10. Mireille Dottin-Orsini et Daniel Grojnowski, L’imaginaire de la prostitution : de la BohĂšme Ă  la Belle Époque, Paris, Hermann, 2017, p. 148 et 161.↩

  11. Ibid., p. 144. Dans les « romans de fille », il n’est pas rare que les noms ou les surnoms des courtisanes aient pour lettre initiale un M majuscule, ce qui relĂšverait d’un « tropisme que renforce la tradition ». On pense donc Ă  Marion Delorme de Hugo, Ă  La dame aux CamĂ©lias (Marguerite), au prĂ©curseur Manon Lescault, etc.↩

  12. Ibid., p. 144-145.↩

  13. Ibid., p. 138.↩

  14. Ibid., p. 158.↩

  15. Florence Godeau, « De l’assujettissement Ă  l’effacement : Le dĂ©ni du sujet fĂ©minin et sa dĂ©nonciation dans quelques rĂ©cits du tournant des XIXe et XXe siĂšcles », Revue SilĂšne, 2010, p. 2, <http://www.revue-silene.com/images/30/extrait_151.pdf> (page consultĂ©e le 29 mai 2021).↩

  16. Judith Trinquart, La dĂ©corporalisation dans la pratique prostitutionnelle : un obstacle majeur Ă  l’accĂšs aux soins, UniversitĂ© Sorbonne Paris 13, thĂšse de doctorat, 2002, p. 21.↩

  17. « Je flotte dans moi » (Ibid. p. 21).↩

  18. Ibid., p. 59.↩

  19. Ibid., p. 130.↩

  20. Ibid., p. 135.↩

  21. « Je me grisais, sais-tu, et il me couchait et il me soignait quand j’étais malade. » (M, 75)↩

  22. Charles Plet, « ProstituĂ©e de Victor Margueritte : l’amour vĂ©nal, ses vices et ses proies », À votre service : figures ambivalentes du care dans le roman français de 1870 Ă  1945, 2021, <https://avotreservice.net/notes/margueritte> (page consultĂ©e le 2 juin 2021).↩

  23. Laure Adler, La vie quotidienne dans les maisons closes : 1830-1930, Paris, Hachette, 1990, p. 107.↩

  24. Ibid., p. 106.↩

  25. Joan Tronto, « Du care », Revue du MAUSS, vol. 2, no 32, 2008, p. 248.↩

  26. Voir Carol Gilligan, Une voix diffĂ©rente : la morale a-t-elle un sexe ?, citĂ© dans Sandra Laugier, « Le care comme critique et comme fĂ©minisme », Travail, genre et sociĂ©tĂ©s, no 26, 2011, p. 183-184.↩

  27. Ibid.↩

  28. Ibid.↩

  29. Françoise Grauby, « “La faim”, la femme, l’infini : variations sur un manuscrit inachevĂ© », dans Jean-Pierre Bertrand, Sylvie Duran et Françoise Granby (dir.), op. cit., p. 293-294.↩

  30. Voir Hans-Érik Filfe-Leitner, « En mĂ©nage, l’instabilitĂ© des soins dans l’Ɠuvre de J.-K. Huysmans », À votre service : figures ambivalentes du care dans le roman français de 1870 Ă  1945, 2021, <https://avotreservice.net/notes/en-menage> (page consultĂ©e le 20 mai 2021).↩

  31. Maud Pallut, op. cit., p. 27.↩

  32. « Le garçon, mourant de froid, s’était assis sur le fauteuil et berçait la mioche qui vagissait de lamentable façon. [
] L’enfant Ă©tait gelĂ©e et avait faim ; pour comble de malheur, ses langes se dĂ©firent et, rendu inhabile par ces rafales qui lui glaçaient les mains, le jeune homme ne put jamais parvenir Ă  les remettre. » (M, 31)↩

  33. Joan Tronto, loc. cit., p. 252.↩

  34. Maud Pallut, op. cit., p. 58.↩

  35. Pensons au poĂšme de LĂ©o :
    « — Et c’est lĂ  cependant
    Que toi, mon seul amour, toi, mes seules délices,
    Tu brames tous les soirs d’infñmes ritournelles
    Et que la bouche en cƓur, l’Ɠil clos, le bras pendant,
    Tu souris aux voyous, ĂŽ la Reine des belles !
    » (M, 13)↩

  36. « La piĂšce marchait cependant assez mal, elle clopinait dĂšs la seconde scĂšne. La salle recommença Ă  tempĂȘter. Ce qui la dĂ©lecta, ce fut surtout l’entrĂ©e d’une actrice Ă©norme dont le nez marinait dans un lac de graisse. La tirade Ă©jaculĂ©e par la bonde de cette cuve humaine, fut scandĂ©e Ă  grands renforts de : “larifla, fla, fla”. La pauvre femme Ă©tait ahurie et ne savait si elle devait rester ou fuir. » (M, 15)↩

  37. Joris-Karl Huysmans, Un dilemme, Paris, Les Ă©ditions G. CrĂšs et cie, 1928 [1887], p. 191.↩

  38. Charles Plet, La souffrance fĂ©minine chez Huysmans, Bloy, Bernanos et Mauriac : catholicisme et maladie mentale, mĂ©moire de maĂźtrise, UniversitĂ© de MontrĂ©al, 2015, p. 32.↩

  39. Il n’y a qu’à penser au peintre Cyprien, dans En mĂ©nage, qui se voit forcĂ© de peindre de la publicitĂ© et des maladies vĂ©nĂ©riennes pour un apothicaire.↩

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