Le 𝑐𝑎𝑟𝑒 Ă©lectif et l’ordre de la sollicitude dans 𝐿𝑒 𝑆𝑜𝑛𝑔𝑒 de Montherlant

Hans-Érik Filfe-Leitner

 

Le Songe (1922) d’Henry de Montherlant porte sur l’effritement d’une amitiĂ© entre Alban de Bricoule et Dominique Soubrier, une jeune athlĂšte. Selon AndrĂ© Blanc, le premier roman publiĂ© de l’auteur est construit sur un « parallĂ©lisme Â» autour d’Alban de Bricoule entre le « cĂŽtĂ© de Prinet Â», soit un ami d’Alban auprĂšs duquel il se bat pendant les derniĂšres annĂ©es de la Grande Guerre, et le « cĂŽtĂ© de Dominique1 Â». Or, ce parallĂ©lisme, vers la fin du roman, correspondra Ă  l’opposition entre deux « ordres Â»  : celui, fĂ©minin Ă  outrance, de l’amour passionnel ou de la compassion larmoyante, et celui, masculin, du combat, du sport et de la camaraderie virile avec Prinet. Alban prend instinctivement parti : dans « l’opposition irrĂ©ductible entre l’ordre du sport et l’ordre du cƓur2 Â», c’est ce dernier qui est faible, qui perd la bataille. Cela ne veut pas dire que, par moments, l’on ne passe pas d’un ordre Ă  l’autre : Alban, mĂȘme en plein bombardement, penche du cĂŽtĂ© de l’affection sincĂšre, voire romantique pour Prinet. Dominique, quant Ă  elle, qui Ă©tait, avec l’aide d’Alban, tellement sportive qu’elle frĂŽlait l’androgynie, voire la masculinitĂ©, devient une femme Ă  part entiĂšre, selon les critĂšres de Montherlant. Elle passe de la figure de la sportive typique des romans français du dĂ©but du XXe siĂšcle, qui associent gĂ©nĂ©ralement les femmes athlĂštes aux guerriĂšres de l’AntiquitĂ©3, Ă  celle de l’amante qui languit en attendant le retour de l’homme aimĂ©. Ce basculement se produit au cours de son service comme infirmiĂšre. En assumant le rĂŽle traditionnel liĂ© au care fĂ©minin, Dominique reprend contact avec ce que Montherlant voit comme un « besoin de se donner Â» qui « consume4 Â» les femmes. Elle tombe ensuite passionnĂ©ment amoureuse d’Alban, voulant lui Ă©tendre ce don d’elle-mĂȘme. Ce passage, d’emblĂ©e, ne va pas de soi, mais permet l’analyse de toute une sĂ©rie de « jeux Â» de vulnĂ©rabilitĂ© et de tendresse au cƓur du roman qui font du care le vecteur principal d’inculcation d’une forme de la fĂ©minitĂ© malvenue et fortement dĂ©prĂ©ciĂ©e chez Montherlant : celle de la « stryge Â» qui dĂ©virilise, empĂȘtre et dĂ©truit l’homme libre5. Le Songe est en partie le rĂ©cit tragique de la chute de Dominique de l’ordre idĂ©al, tel que pensĂ© par Alban, Ă  l’ordre infĂ©rieur qu’il associe Ă  la fĂ©minitĂ©.

Dominique et les filles

Dans la premiĂšre moitiĂ© du roman, Dominique, avec sa poitrine essentiellement plate, ses Ă©paules larges et ses hanches Ă©troites, est dĂ©crite comme un garçon, aux « seins ne se dĂ©tachant pas brusquement des droits, mais Ă©t[a]nt la masse mĂȘme des droits qui peu Ă  peu se bombait, soutenus et soulevĂ©s par un tore de chair Â» (LS, 43). La jeune femme Ă  la « gravitĂ© puĂ©rile Â» (LS, 43), « [s]i jeune Â» a des « jambes fortes et subtiles [qui] faisaient songer Ă  l’expression homĂ©rique : “virilitĂ© charmante” Â» (LS, 37). Il ne s’agit toutefois pas d’une simple question de muscles, de morphologie et de force physique. Dominique fait la guerre Ă  la fĂ©minitĂ©, elle tire dessus Ă  boulets rouges quand elle voit des femmes adopter des comportements genrĂ©s, notamment en ce qui a trait aux rapports amoureux. Dans ceux-ci, il lui semble que la femme a le rĂŽle faible, ce qu’elle observe par sa fenĂȘtre d’oĂč elle voit l’ancienne promenade du Ranelagh :

Elle tourna les yeux vers le Ranelagh, vit les femmes selon sa vision propre : pendues aux bras des amants comme des ĂȘtres sans vertĂšbres et qui sans cela s’affaisseraient de faiblesse, pareilles Ă  de grandes limaces dĂ©guisĂ©es ; et sur le gravier, devant les bancs, Ă©taient les dessins faits par les Ă©couteuses avec les pointes de leurs parapluies ; et les bancs, les bosquets, les statues Ă©taient marquĂ©s par l’attente, le souvenir, le calcul, le trouble du cƓur. Une fois, elle avait surpris un baiser. « Que c’est bĂȘte et laid, un visage qui s’offre, cette chose penchĂ©e, tendue, qui a l’air heureux
 Â» (LS, 20)

Dans cette illustration par Dominique de la femme amoureuse, on retient que la description souligne sa faiblesse : il est question de limaces, d’ĂȘtres invertĂ©brĂ©s, « sans colonne Â» et dĂ©pourvus de force physique, de caractĂšre. C’est-Ă -dire que lorsqu’on a, selon ce point de vue, ne serait-ce qu’un tout petit peu de fiertĂ©, on ne supporte pas d’ĂȘtre parmi celles qui attendent les rendez-vous, qui dĂ©pĂ©rissent par la nostalgie ou dont le cƓur se trouble aisĂ©ment. À certains Ă©gards, Dominique, qui fuit ce qu’elle perçoit comme les travers de son sexe, est plus dure avec celui-ci qu’Alban ne le sera.

Il faut avant tout discerner que ce n’est pas la fĂ©minitĂ© en soi qui est attaquĂ©e quand Dominique pense

aux marraines « distinguĂ©es, affectueuses Â» des annonces de La Vie parisienne, Ăąmes dĂ©goĂ»tantes, qu’on ne prendrait pas avec des pincettes, songeant aux misĂ©rables singesses, affolĂ©es d’impuissance, et qui, perdant l’équilibre, vous griffent dans les mĂ©tros, regardait ses compagnes du stade comme le vĂ©ritable sexe fĂ©minin, tel qu’il exista Ă  l’origine ; — alors que ces dames bien parisiennes n’étaient pas des femmes mais des monstres nĂ©s d’un contact sans nom, dignes seulement d’ĂȘtre tuĂ©s Ă  coups de pierres, tels jadis les hermaphrodites, comme une insulte Ă  la nature. (LS, 41-42)

C’est plutĂŽt que Dominique, Alban et Ă  travers eux Montherlant admirent un sexe originel de femmes sportives et fortes6, Ă  l’opposĂ© de l’image rococo de la sensitive Ă  grandes robes, Ă©vanouie devant une lettre ouverte. Comme presque tout chez Montherlant, c’est une idĂ©e tirĂ©e de l’AntiquitĂ© grĂ©co-latine, comme en tĂ©moignent de nombreux termes renvoyant Ă  cette Ă©poque les filles avec qui Dominique s’entraĂźne, « les camarades de la Palestra Â», de la « grande classe athlĂ©tique Â», qui ont toutes « le cƓur libre Â» (LS, 19).

Le projet mĂȘme d’Alban vis-Ă -vis Dominique, au dĂ©but du roman, Ă©tant d’inspiration antique, parce que s’il est question d’un ordre viril, il serait tout aussi juste de voir que la relation de ces personnages est calquĂ©e sur un rapport « pĂ©dĂ©rastique Â» issu de l’AntiquitĂ©7. On l’a vu, Dominique est dĂ©crite comme un garçon, mais Alban et elle savent bien que c’est un leurre8. Les traits masculins de la jeune fille sont tout entiers tributaires des valeurs de force qu’Alban, jouant le rĂŽle de l’éducateur, lui inculque. Leur relation est une « crĂ©ation Â» qui efface la fĂ©minitĂ© de Dominique. Elle rend donc possible une amitiĂ© exaltĂ©e dont la puissance est dĂ©cuplĂ©e parce qu’elle est dĂ©sintĂ©ressĂ©e en dĂ©pit du rapport homme-femme dont ils sont bien conscients :

À cette mĂȘme Ă©poque, Alban prenait conscience que ce qui Ă©tait singuliĂšrement dans son gĂ©nie, c’était la camaraderie. Il savait qu’il Ă©tait capable d’amitiĂ©, il savait qu’il Ă©tait capable de dĂ©sir, il savait qu’il n’était pas capable d’amour ; mais la camaraderie avec des garçons de son Ăąge, voilĂ  ce qu’il avait poussĂ© Ă  son excellence. La discernant bien de l’amitiĂ©, il en avait fait quelque chose de plus charmant que l’amitiĂ©, parce que cela ne se contemplait pas soi-mĂȘme, alors que l’amitiĂ© se contemple soi-mĂȘme, comme l’amour. Et entre Dominique et lui il avait façonnĂ© ceci, qui Ă©tait sa crĂ©ation : une camaraderie Ă©merveillĂ©e. Ils s’étaient voulus et faits des pairs, des pairs avec de la religion au fond, quoi qu’ils fissent, parce que l’un Ă©tait homme et l’autre femme. (LS, 18-19)

La « religion Â» qui caractĂ©rise leur rapport rĂ©fĂšre peut-ĂȘtre au platonisme de leur amitiĂ© â€“ Â« Platon avait dit : “Un amant est un ami en qui l’on sent quelque chose de divin.”  Â» (LS, 13) â€“ mais aussi Ă  la sacralisation de la beautĂ©, admirĂ©e, regardĂ©e, chastement respectĂ©e par ceux qui en sont capables. Or, Pierre Duroisin, quand il qualifie le passage de Dominique de l’ordre « pĂ©dĂ©rastique Â» Ă  celui de la femme qui s’offre et que l’on refuse, considĂšre le moment pivotal de la relation entre la jeune femme et le protagoniste comme Ă©tant la dĂ©claration d’amour et la fin subsĂ©quente du rapport d’instruction qui faisait d’Alban son Ă©raste. Selon Duroisin, le service militaire de Dominique chez les infirmiĂšres participe de son dĂ©sir d’intĂ©grer l’ordre guerrier dont elle est jalouse9, et il semble bien que c’est la raison qu’elle donne : « La pensĂ©e d’offrir ses services Ă  un hĂŽpital du front ou de l’arriĂšre-front se prĂ©cisait en elle. Partir ! Par lĂ  elle se quittait soi-mĂȘme ; elle entrait dans cet ordre mĂąle sur les bords duquel, toujours, elle avait jalousement errĂ©. Â» (LS, 43) Il s’agit pourtant d’une erreur de Dominique : le travail d’infirmiĂšre, plutĂŽt que de lui ouvrir les portes du monde guerrier des jeunes hommes, l’initie Ă  la vulnĂ©rabilitĂ© des autres, Ă  leurs sentiments et surtout Ă  la possibilitĂ© de tisser des liens relationnels que permet le souci de l’autre. Elle laisse derriĂšre elle une forme d’indiffĂ©rence qu’elle croit nĂ©cessaire Ă  ceux qui ont de la force et, pour la premiĂšre fois, se laisse Ă©mouvoir par son prochain (surtout s’il s’agit d’un bel homme). C’est un apprentissage qui passe par le travail de soin qu’elle exĂ©cute Ă  l’hĂŽpital et qui la rendra amoureuse d’Alban, brisant par lĂ  les lois de leur amitiĂ© platonique.

Être Ă©mu par « quelque chose de plus total que son intelligence Â»

Dominique ne se sent initialement pas Ă  sa place chez les infirmiĂšres. Son engagement militaire ne lui procure pas d’emblĂ©e l’enivrement d’Alban dans les tranchĂ©es, qui raffole du combat, de ses camarades et de ce qu’il doit accomplir pour ĂȘtre un bon soldat. Dominique, dĂšs le dĂ©part, reconnaĂźt l’importance de la relation entre l’infirmiĂšre et le patient : c’est autour des questions qu’elle soulĂšve que la jeune sportive se reconstitue. À son arrivĂ©e Ă  l’hĂŽpital, elle ne comprend pas comment les autres filles rĂ©ussissent Ă  traiter tous les blessĂ©s de la mĂȘme maniĂšre. Ses idĂ©es, inspirĂ©es d’Alban, la mĂšnent Ă  penser que, mĂȘme en matiĂšre de patients, il faut que les soins aillent aux plus mĂ©ritants. Le monde du care serait un domaine d’élection oĂč l’on ne pourrait se dĂ©vouer sincĂšrement qu’à ceux qui le mĂ©ritent (le critĂšre, pour dĂ©terminer le mĂ©rite, semble ĂȘtre, comme Ă  la palestre, physique) :

Sont-elles dĂ©vouĂ©es, celles qui soignent aussi bien Pierre, et Paul, et Jean ? qui ne mettent rien de personnel, rien d’intime dans leur action ? Joli plaisir pour Pierre de se dire que ces bontĂ©s qu’on a pour lui sont une sorte de matĂ©riel de secteur qui reste Ă  la disposition de l’hĂŽpital et dont bĂ©nĂ©ficiera Ă©galement l’inconnu qui le remplacera dans son lit ! Puis Ă  s’attacher Ă  tous on se disperse, on n’en connaĂźt plus aucun ; oui, il faut une Ă©lection, il faut une sorte de sympathie physique [...]. (LS, 61-62)

Dans des rĂ©criminations contre l’absence d’intimitĂ© et l’attachement diffus, cet extrait cache la grande dĂ©couverte de Dominique : l’affection, le lien. Un lien existait certes entre Alban et Dominique, mais on ne peut s’empĂȘcher d’y lire une profonde froideur, dĂšs son exposition au chapitre II, alors qu’Alban sermonne l’impassible jeune fille sur la puretĂ© et s’exalte d’ĂȘtre satisfait « totalement Â» par elle comme par « une statue qui est Ă©galement belle sur toutes ses faces Â» (LS, 17). Or Dominique se rend compte, Ă  travers son travail, qu’elle est capable d’exprimer de la tendresse Ă  la maniĂšre des autres femmes : « Elle savait bien qu’elle aussi elle avait de ces petits gestes qu’avaient les femmes. Mais les siens Ă©taient choisis, longuement mĂ©ditĂ©s, lourds d’intentions. C’était de les prendre sous le bras, de leur mettre la main sur l’épaule la plus proche (et non sur l’autre, ce qui serait enlacer). Â» (LS, 61)

MĂȘme si elle semble encore nĂ©gocier les dĂ©couvertes qu’elle fait Ă  l’hĂŽpital avec les valeurs qu’elle avait avant d’y travailler (ses soins sont « mĂ©ditĂ©s Â» et vont intentionnellement aux seuls mĂ©ritants), dans le souci qu’a Dominique de savoir comment sera reçue son action auprĂšs du patient, on peut dĂ©jĂ  percevoir certaines rĂ©sonances avec les phases du care dĂ©finies par Tronto, notamment celle du souci de l’autre (se soucier de10) et celle de la rĂ©ception du soin (« reconnaissance de ce que l’objet de la sollicitude rĂ©agit au soin qu’il reçoit11 Â»). Dominique reconnaĂźt que les blessĂ©s ont besoin que l’on mette « quelque chose d’intime Â» dans le service qu’on leur apporte et, chez certains soldats, elle teste ces gestes tendres qu’elle a supposĂ©ment mĂ©ditĂ©s et choisis lucidement, voyant leurs rĂ©actions, se plaisant Ă  exĂ©cuter des variations. Elle dĂ©couvre par ailleurs que, comme infirmiĂšre, elle a une forme de pouvoir intrinsĂšque, peut-ĂȘtre, aux rĂŽles de soin12 et qui lui permet d’ĂȘtre seule Ă  seule avec les hommes Ă©lus, quand elle le demande.

On ne peut nier que le rĂ©sultat de tous ces gestes caressants (qui, d’ailleurs, semblent constituer la majeure partie du travail de la jeune fille Ă  l’hĂŽpital : elle ne panse pas ou ne pique pas, ses soins consistent Ă  dispenser de l’intimitĂ©) est d’éveiller Dominique Ă  la sensualitĂ©13, comme si son Ă©ducation bricoulienne avait engendrĂ© chez elle un retard du dĂ©veloppement sexuel qui n’est plus endiguĂ© par l’influence d’Alban. Elle prend plaisir Ă  tĂąter la poitrine du soldat Bouchard, Ă  ressentir un dĂ©sir qu’elle ne peut pas encore tout Ă  fait formuler :

Presque calme, avec la certitude d’un plaisir soutenu, jamais pressenti, jamais approchĂ©, elle restait lĂ , le remerciant en silence, passionnĂ©ment, d’ĂȘtre si immobile, de ne rien faire pour se dĂ©gager, rien non plus pour souligner. Et ce qu’elle avait vĂ©cu, ce qui cessait, ce qui commençait entraient en fusion dans cette joie Ă©clatante. (LS, 67)

Si l’on se fie Ă  Montherlant, ces premiers dĂ©sirs de l’infirmiĂšre pour les soldats seront transposĂ©s sur Alban14, et c’est ce qui allume l’étincelle d’un sentiment amoureux qui existait probablement, inconnu, sous la surface. Mais le chemin qui mĂšne Ă  l’amour d’Alban passe par une autre Ă©tape, intermĂ©diaire, des transformations que subit Dominique Ă  l’hĂŽpital et contre laquelle elle se rebelle initialement beaucoup plus que contre ses dĂ©sirs sexuels. Elle se dĂ©couvre une sorte de sympathie universelle et de plaisir au dĂ©vouement qui entrent en contradiction avec le dĂ©tachement que son Ă©ducation de statue grecque lui imposait. Dominique se cabre contre ce nouveau souci pour l’autre, et se voit forcĂ©e, pour tenter de maintenir sa cohĂ©rence interne, de faire preuve d’indiffĂ©rence :

Dans toute sa vie d’hĂŽpital peu Ă  peu se glissa quelque chose de soupçonneux et de gĂȘnĂ©, parce qu’elle craignait de laisser voir qu’elle y trouvait un plaisir secret. AprĂšs avoir criĂ© bien haut son enthousiasme et Ă©talĂ© son zĂšle, elle crut prudent d’affecter une certaine indiffĂ©rence : indiffĂ©rence trĂšs nuancĂ©e, dont on devait comprendre qu’elle s’appliquait non Ă  sa tĂąche mais aux personnalitĂ©s des hommes ; on devait connaĂźtre son dĂ©vouement, mais croire qu’il lui Ă©tait pĂ©nible. Elle ne parla donc plus des blessĂ©s qu’en termes cliniques ou administratifs. (LS, 68)

Le combat de Dominique contre le plaisir qu’elle ressent Ă  se dĂ©vouer aux hommes peut prendre plusieurs sens. ImmĂ©diatement, on peut dire qu’elle s’assure de ne pas se rendre suspecte Ă  ses patrons et collĂšgues en affichant un peu trop son attirance pour certains des soldats. Mais il faut aussi voir le conflit psychologique de la jeune fille convaincue, jusqu’à son service, qu’elle Ă©tait incapable de se dĂ©vouer comme les autres femmes : « Bien entendu, leur bon cƓur, leur dĂ©vouement, leurs sacrifices, parfois leur courage, elle ne voyait rien de tout cela. Ce n’était pas dans son gĂ©nie. Â» (LS, 68) Sous l’influence des rĂ©alitĂ©s de l’hĂŽpital, elle prend « contact avec la vie Â», « s’instrui[t], se modifi[e] un peu, se conform[e] un peu plus Ă  (ce qui est, sentant toutes les parties d’elle qui Ă©taient rigides et construites s’assouplir et s’adapter Â» (LS, 69). L’adaptation de Dominique aux lieux oĂč les valeurs du care lui sont transmises passe donc par la transformation de sa personnalitĂ© et sa reconfiguration vers « ce qui est », que l’on pourrait comprendre comme une nature fĂ©minine profonde qui pousse Ă  l’attachement ou au don de soi.

Au dĂ©part, cet attachement se manifeste comme le dĂ©sir sexuel : « Elle aima, elle bĂ©nit les rendez-vous, les inquiĂ©tudes, les signes (ĂŽ signes !), toute la menue stratĂ©gie.  Â» (LS, 69) On nous parle de stratĂ©gie, c’est-Ă -dire d’intelligence. C’est plutĂŽt Alban qui lui fera rĂ©aliser que son expĂ©rience de l’hĂŽpital la rend capable d’ĂȘtre saisie par les sentiments :

Lucide, habituĂ©e Ă  se scruter et Ă  se dĂ©couvrir, elle n’hĂ©sitait pas : son expĂ©rience de l’hĂŽpital eĂ»t suffi Ă  l’éclairer. Tandis qu’elle le regardait, tandis qu’elle rapprenait son visage, sentant soudain ces masses infinies de tristesse, sentant ce bien cruel qui l’avait prise comme un accĂšs de fiĂšvre, aucun doute ne lui restait : elle reconnaissait que, pour la premiĂšre fois Ă  cause de lui, quelque chose de plus total que son intelligence Ă©tait Ă©mu. (LS, 69)

Il s’agit bien d’amour, puisqu’il est question de « masses infinies de tristesse Â» et «  [d’]accĂšs de fiĂšvre Â». On pourrait toutefois dĂ©fendre que « [l’]expĂ©rience de l’hĂŽpital Â», parce qu’elle permet Ă  Dominique une ouverture vers l’autre qui n’aurait pas Ă©tĂ© possible sans les dĂ©couvertes qu’elle y fait, lui permet d’ĂȘtre touchĂ©e par Alban, de le regarder avec l’intelligence non plus des valeurs ou d’une morale Ă©laborĂ©e autour du sport, de la force et du caractĂšre, mais de l’émotion. Elle est « saisie aux entrailles Â», « intimement touchĂ©e15 Â», malgrĂ© ses tentatives de se blinder sentimentalement et de paraĂźtre inatteignable face Ă  son prochain. Ce changement annonce le passage de Dominique de l’ordre viril de la force Ă  celui, fortement dĂ©prĂ©ciĂ© chez Montherlant, de la compassion, de l’affectivitĂ© et de la sentimentalitĂ©. Cette derniĂšre se doit particuliĂšrement d’ĂȘtre rejetĂ©e par la sportive, si elle veut conserver sa place dans l’ordre mĂąle16. Le glissement incontrĂŽlable de Dominique hors de cet ordre est la cause de sa dĂ©chĂ©ance aux yeux d’Alban.

La transfuge

Chez Montherlant, l’écriture de la sportive est bien sĂ»r en rupture avec « l’inscription traditionnelle de la fĂ©minitĂ© Â» et accentue les contrastes entre celle-ci et le « nouveau sexe Â» des palestres17. L’apparence surtout se dĂ©crit Ă  l’aide de termes qui, on l’a dit, se concentrent sur les muscles saillants et soulignent l’absence du maquillage qui « chosifie18 Â» la femme. Dominique n’a pas changĂ© physiquement en tombant amoureuse, c’est d’ailleurs ce qui Ă©tonne le plus Alban au moment oĂč il s’apprĂȘte Ă  se servir d’elle pour son plaisir : « Et l’on eĂ»t dit que par lĂ -dessus [le corps parfait de Dominique] avait Ă©tĂ© mise au hasard une tĂȘte rapportĂ©e, si frappant Ă©tait le contraste entre ce corps prĂ©servĂ© et ce visage atteint.  Â» (LS, 210) Or, le propre de la sportive, chez Montherlant, est un « caractĂšre de l’indĂ©pendance qui contraste avec l’attitude soumise des mĂšres et des amantes19 Â». Capable de se tenir debout seule, sans corset pour lui soutenir la colonne vertĂ©brale, la sportive n’est aucunement retenue par des enfants Ă  langer ou Ă  rĂ©conforter (par des souffrances Ă  pallier) et n’a aucun besoin qu’un amant lui donne le bras pour se dresser bien droite. Donner le bras, chez Montherlant, symbolise la dĂ©pendance (et donc la faiblesse qui n’est toutefois pas synonyme, rappelons-le, de vulnĂ©rabilitĂ©) de l’amoureuse, qui « vit par procuration Â» Ă  travers l’homme pour qui elle est un poids mort20.

La sportive ne sert pas, elle est servie, car c’est la rĂ©compense de sa valeur en toute chose. Elle est donc complĂštement dĂ©pourvue des « ressources Â» morales qu’il faut pour accomplir le travail du care21, et sa personnalitĂ© est tout entiĂšre construite autour de son inhabilitĂ© Ă  s’intĂ©resser Ă  autre chose qu’elle-mĂȘme et l’excellence de son physique et de son caractĂšre22. Elle fait, en vĂ©ritĂ©, une assez piĂštre infirmiĂšre :

Ainsi, dans cette maison de douleur, oĂč ses compagnes viennent pour se donner, vĂ©ritable poids morts et inerte elle se laissait aller dans la joie sur l’effort de tout ce qui n’était pas elle, consommant sans produire, recevant et ne donnant rien. Mais, en vĂ©ritĂ©, que pouvait-elle contre cette impossibilitĂ© fonciĂšre de prendre intĂ©rĂȘt Ă  autre chose qu’à soi ? Pas plus que ne peuvent, pour rester impassibles, ceux qui ont dans le sang de se dĂ©vouer. (LS, 70)

Mais voilĂ  qu’en se transformant, Dominique n’est plus une de ces sportives qui sont Ă  la frontiĂšre de l’ordre mĂąle ; son impassibilitĂ© cĂšde le pas au souci de l’autre, et pire, Ă  la pitiĂ©, notamment pour Alban dont elle trahit les idĂ©aux : « Le sentant si proche d’elle, et qui la croyait mĂȘme, alors qu’elle n’était plus la mĂȘme, elle avait l’impression qu’elle le trompait, qu’elle faisait quelque chose d’indigne, et une pitiĂ© lui montait pour lui23. Â» (LS, 97)

Tout un jeu de vulnĂ©rabilitĂ©s est en cause dans le roman, et le grand perdant est non seulement le pitoyable, mais aussi le compatissant, l’apitoyĂ©. Ce n’est pas le cas Ă  l’hĂŽpital, parce que le blessĂ© sera toujours un peu objet d’empathie, ce qui est peut-ĂȘtre partiellement responsable du changement de valeurs de Dominique. Au front, Alban ressent momentanĂ©ment de la pitiĂ© pour un adolescent allemand mortellement blessĂ©, mais paie cher cet Ă©lan de compassion qui finit par dĂ©grader l’enfant-soldat, qui passe du stoĂŻcisme admirĂ© aux chaudes larmes :

Quand il eut atteint la salle de pansements, il se retourna. Le garçon, qu’il voyait de dos, Ă©tait toujours assis. Mais, au visage tombĂ© sur sa poitrine, aux mouvements des Ă©paules, il distingua qu’il pleurait. « VoilĂ  donc mon Ɠuvre Â», se dit-il. Comme son regard se retirait, il eut le temps d’apercevoir l’infirmier auquel il pensait avoir appris la pitiĂ©. Un quart Ă  la main, il offrait Ă  boire aux Allemands qui l’appelaient ; ainsi telle blessure du ventre, encore guĂ©rissable, il risquait de la rendre mortelle par cette eau ! Alors Alban songea qu’elle venait de lui, cette pitiĂ© meurtriĂšre. Et il fut troublĂ© dans son esprit, ignorant oĂč Ă©tait le bien et le mal. (LS, 146-147)

La confusion entre le bien et le mal existe dans l’esprit d’Alban parce que, malgrĂ© la guerre, il continue Ă  vivre dans un « occident moderne Â» oĂč les valeurs, sous l’influence sans doute de plusieurs siĂšcles de christianisme, vont de plus en plus Ă  l’inverse de celles de l’AntiquitĂ©, se fĂ©minisent et tendent vers la pitiĂ© universelle, le « sentimentalisme Â», le « dolorisme Â», le « vouloir-plaire24 Â», etc. Or le front, l’ordre mĂąle, n’est pas le lieu de la pitiĂ© ; elle y dĂ©grade qui la ressent et, dans le systĂšme de valeurs d’Alban, c’est elle qui est le mal25. Dominique a trahi ce systĂšme de valeurs dans lequel le sport l’a introduite ; pour Alban, elle s’est complĂštement affaissĂ©e et est devenue une femme « pareille Ă  des milliers d’autres Â» (LS, 205).

Il y a, finalement, dans Le Songe, une certaine ambiguĂŻtĂ© quant Ă  la tendresse. Alban exprime parfois celle-ci face Ă  ses camarades poilus. Ainsi, il embrasse le soldat Bellerey, mortellement blessĂ©, et prend une nuit entiĂšre dans sa main la joue de son ami Prinet, quand celui-ci s’évanouit aprĂšs un bombardement, et se rĂ©conforte de son geste en acceptant la tendresse si elle se manifeste pour la gloire de la duretĂ© :

Sur la main pesait le visage, et la main se fĂ»t mieux dĂ©gagĂ©e d’un Ă©tau, et celui qui ne dormait pas Ă©tait plus immobile que celui qui dormait. Sur cette main, l’autre jour, les lĂšvres de Dominique avaient bougĂ© ; la place de ce baiser Ă©tait celle-lĂ  mĂȘme que couvrait la joue du soldat. L’un des contacts Ă©tait sain comme le contact des substances sacrĂ©es sur les autels ; l’autre Ă©tait une dĂ©faite de ce qui est le mieux, et la promesse d’une dĂ©gradation pire. L’un Ă©tait d’une chair molle et tremblante ; l’autre d’un dur os qui faisait presque mal aux doigts, d’une dure chose qui, dĂ©tachĂ©e et projetĂ©e, eĂ»t tuĂ© un homme. Sur cet Ă©troit champ clos se rencontraient deux ordres de la vie, l’un pour ĂȘtre Ă©crasĂ© par l’autre. (LS, 117)

Il faut faire la part des choses : la tendresse d’Alban, qu’il qualifie lui-mĂȘme de « mĂąle sollicitude Â», dans laquelle la « tendresse Ă©tait enclose et menait tout sans jamais s’exprimer Â» (LS, 179), ne s’exerce que tant que celui qui la donne et celui qui la reçoit sont mĂ©ritants, et on ne se prouve qu’à l’arĂšne ou dans les tranchĂ©es. DĂšs la dĂ©gradation de l’une ou l’autre des parties, l’échange n’est plus possible.


C’est avant tout par amour de l’ordre mĂąle qu’Alban ne peut supporter Dominique passĂ©e Ă  l’ordre sentimental du « faux amour Â» (LS, 217). Son projet de « jou[er] sur [elle] comme sur un garçon Â» (LS, 180) se bute Ă  une fĂ©minitĂ© qui refait surface â€“ parce qu’elle vient naturellement aux femmes â€“  et qui a certes sa valeur propre pour elles, mais dont il ne veut rien savoir : « Elle Ă©tait la fleur de son ordre et, dans son ordre, elle avait raison. [
] Il la vit qui s’efforçait loin de lui, vainement.  Â» (LS, 181) Montherlant maintient une irrĂ©conciliabilitĂ© entre les hommes et les femmes, entre deux solitudes qui se combattent quand, par malheur, l’une d’elles empiĂšte sur le territoire de l’autre. Elles ne peuvent que se diminuer. La force de la virilitĂ©, c’est l’indĂ©pendance. La force de la fĂ©minitĂ©, celle de Dominique, c’est l’amour : une « tendresse Â» diffuse qui « reconstrui[t] le monde, annul[e] la guerre et la mort Â» (LS, 185). Il est difficile de ne pas percevoir des rĂ©sonances de cette description de l’amour fĂ©minin chez les penseurs modernes du care qui voient dans le souci de l’autre vulnĂ©rable, dans l’écoute de sa parole ou de son expĂ©rience, un moyen de refaire nos sociĂ©tĂ©s26. Pour Henry de Montherlant, en 1922, c’est l’ordre mĂąle qui est victorieux et celui-ci s’ordonne selon la logique du tout ou rien : soit les grands sacrifices du combat (mourir pour son compagnon, se battre en hĂ©ros pour lui), soit l’indiffĂ©rence. Le petit sacrifice quotidien, soutenu, qui permet le soin ou l’attention affectueuse, celui-lĂ  appartient aux femmes et c’est grĂące Ă  lui que l’ordre fĂ©minin Ă©tend les frontiĂšres de son royaume.


Références bibliographiques

Corpus primaire

Montherlant, Henry de, La Petite Infante de Castille, dans Romans et Ɠuvres de fiction non thĂ©Ăątrales, Paris, Gallimard, 1975 [1929].

Montherlant, Henry de, Le Songe, dans Romans et Ɠuvres de fiction non thĂ©Ăątrales, Paris, Gallimard, 1975 [1922].

Montherlant, Henry de, Les Jeunes Filles, dans Romans et Ɠuvres de fiction non thĂ©Ăątrales, Paris, Gallimard, 1975 [1936].

Corpus critique

Baladier, Louise, « La sexualitĂ© dans l’Ɠuvre de Montherlant : l’étrange et la peur », dans Maryse Baudrez et Therry Di Manno (dir.), Les sexualitĂ©s : rĂ©pression, indiffĂ©rence, tolĂ©rance, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 73-80.

Blanc, AndrĂ©, L’esthĂ©tique de Montherlant, Paris, Sedes, 1995.

Chaumet, Nathalie, « Le care au prisme de l’Évangile Â», dans Françoise Parmentier (dir.), Le care  : une nouvelle approche de la sollicitude ?, Paris, Lethielleux, 2017, p. 127-140.

Duroisin, Pierre, Montherlant et l’AntiquitĂ©, Paris, Les Belles lettres, 1987.

Gaucher, Julie, L’écriture de la sportive : identitĂ© du personnage littĂ©raire chez Paul Morand et Henry de Montherlant, Paris, L’Harmattan, 2004.

Gefen, Alexandre, RĂ©parer le monde : la littĂ©rature française face au XXIe siĂšcle, Paris, Corti, 2017.

Joubi, Pascale, Figures de la rĂ©sistance : Les Amazones modernes, de la Belle Époque Ă  aujourd’hui, thĂšse de doctorat, UniversitĂ© de MontrĂ©al, 2020.

Sandelion, Jeanne, « Montherlant et les femmes Â», Revue des Deux Mondes, vol. 13, no 52, 1950.

Tronto, Joan, Un monde vulnĂ©rable : pour une politique du care, Paris, La DĂ©couverte, 2009.


  1. AndrĂ© Blanc, L’esthĂ©tique de Montherlant, Paris, Sedes, 1995, p. 82.↩

  2. Henry de Montherlant, Le Songe, dans Romans et Ɠuvres de fiction non thĂ©Ăątrales, Paris, Gallimard, 1975 [1922], p. 20. DorĂ©navant, les rĂ©fĂ©rences Ă  cet ouvrage seront indiquĂ©es entre parenthĂšses dans le corps du texte par le sigle LS, suivi du numĂ©ro de la page.↩

  3. Voir Pascale Joubi, Figures de la rĂ©sistance : Les Amazones modernes, de la Belle Époque Ă  aujourd’hui , thĂšse de doctorat, UniversitĂ© de MontrĂ©al, 2020, p. 40 et 44.↩

  4. Henri de Montherlant, Les Jeunes filles, dans Romans et Ɠuvres de fiction non thĂ©Ăątrales, Paris, Gallimard, 1975 [1936], p. 1008.↩

  5. Voir Jeanne Sandelion, « Montherlant et les femmes Â», Revue des Deux Mondes, vol. 13, no 52, 1950, p. 345.↩

  6. « Ces petites bourgeoises avaient restituĂ©, perdu qu’il Ă©tait et profondĂ©ment effacĂ© sous les dĂ©formations voulues par la mode, par la fantaisie sexuelle du mĂąle, par l’erreur des artistes prenant cette fantaisie pour idĂ©al, par des siĂšcles de conventions nĂ©es de l’ignorance et de la sottise, le corps fĂ©minin pur, tel que la nature l’a d’abord enfantĂ©.  Â» (LS, 41)↩

  7. Voir Pierre Duroisin, Montherlant et l’AntiquitĂ©, Paris, Les Belles lettres, 1987, p. 55.↩

  8. Dominique, dont la chevelure est dĂ©crite comme un « casque Â» (LS, 15) correspond Ă  la mode « garçonne Â» d’aprĂšs-guerre ? Cette mode fĂ©minine est dĂ©crite par Montherlant comme un piĂšge inconscient que la femme tend Ă  l’homme dans La Petite Infante de Castille (1929) : « l’idĂ©al de la fĂ©minitĂ© traverse une crise dans l’Europe qui a fait la guerre - la mode des cheveux courts, des hanches Ă©troites, le genre “garçonne” tĂ©moignent que la femme, se sentant menacĂ©e, cherche inconsciemment Ă  ressembler Ă  l’éphĂšbe ; Ă  quoi les thĂ©ories des psychologues et des Ă©crivains, le sport, et les mƓurs mĂȘme la poussent assez Â» (Henri de Montherlant, La Petite Infante de Castille, dans Romans et Ɠuvres de fiction non thĂ©Ăątrales, Paris, Gallimard, 1975 [1929], p. 604). ↩

  9. Ibid. ↩

  10. Joan Tronto, Un monde vulnĂ©rable : pour une politique du care, Paris, La DĂ©couverte, 2009, p. 147.↩

  11. Ibid. , p. 149.↩

  12. Voir Luigina Mortari, Philosophie du soin, Paris, L’Harmattan, 2018, p. 210.↩

  13. Voir Louise Baladier, « La sexualitĂ© dans l’Ɠuvre de Montherlant : l’étrange et la peur Â», dans Maryse Baudrez et Thierry Di Manno (dir.), Les sexualitĂ©s : rĂ©pression, indiffĂ©rence, tolĂ©rance, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 78.↩

  14. « â€œMais est-ce possible ?” Elle Ă©carquilla les yeux, elle se secoua, de corps et d’ñme, se redressa, de corps et d’ñme, ainsi qu’un pilote redresse son appareil qui tangue. “Avec lui comme avec Bouchard ?” Le temps d’un Ă©clair, elle l’imagina dans les circonstances et dans les gestes oĂč elle avait connu l’électricien. Rien d’elle ne sursauta, mais une voix qu’elle n’avait jamais entendue lui jeta ce cri hors de l’ĂȘtre : “Ah ! ma main sous sa bretelle comme au petit, et lui ne repoussant pas
” Â» (LS, 86).↩

  15. Voir Nathalie Chaumet, « Le care au prisme de l’Évangile Â», dans Françoise Parmentier (dir.), Le care  : une nouvelle approche de la sollicitude ?, Paris, Lethielleux, 2017, p. 130-131.↩

  16. Voir Pascale Joubi, op. cit. , p. 57.↩

  17. Voir Julie Gaucher, L’écriture de la sportive : identitĂ© du personnage littĂ©raire chez Paul Morand et Henry de Montherlant, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 73 ainsi que Pascale Joubi, op. cit. , p. 52.↩

  18. Julie Gaucher, op. cit. , p. 74. ↩

  19. Ibid. , p. 75.↩

  20. Ibid. , p. 77.↩

  21. Voir Joan Tronto, op. cit. , p. 152.↩

  22. Voir Julie Gaucher, op. cit. , p. 106.↩

  23. On pourrait peut-ĂȘtre expliquer l’éventuelle cruautĂ© d’Alban envers Dominique comme un acte de domination de celui qui refuse qu’on le prenne en pitiĂ©.↩

  24. Voir Ibid. , p. 79.↩

  25. Dominique comme Alban sont conscients de ce que leur vision du monde a d’étrange, voire de choquant pour la morale Ă©tablie : « Qu’il est ridicule et offensant ! Comme il est naturel qu’on le dĂ©teste ! C’est ainsi que dans chaque endroit oĂč il est passĂ© il s’est rendu intolĂ©rable par son impudence et son manque de douceur. Â» (LS, 39)↩

  26. Voir par exemple l’ouvrage d’Alexandre Gefen, RĂ©parer le monde : la littĂ©rature française face au XXIe siĂšcle, Paris, Corti, 2017.↩

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