De 𝑀𝑎𝑟𝑩 𝑃𝑜𝑝𝑝𝑖𝑛𝑠 aux nounous ivoiriennes de Paris. Lecture croisĂ©e de Mary Poppins de Pamela L. Travers et de 𝑄𝑱𝑖 𝑔𝑎𝑟𝑑𝑒𝑟𝑎 𝑛𝑜𝑠 𝑒𝑛𝑓𝑎𝑛𝑡𝑠 de Caroline Ibos

Catherine Bastien

et

Béatrice Lefebvre-CÎté

Titre : POP POP POPPINS

Nom de l'artiste : Antoine Tava (Artiste visuel)

Nom de la photographe : Mary Crandall

Date : 2016 [2018 pour la photographie]

Lieu : Montréal

Site Web : Eyes on the Streets

URL : https://eyesonthestreets.blog/2018/10/14/mary-poppins-lands-in-montreal/

 

Que vient faire la nounou dans une histoire destinĂ©e Ă  des enfants ? N’est-elle pas une adulte, de cette catĂ©gorie d’ñge qui aurait perdu son sens de l’émerveillement, si l’on en croit certains classiques de la littĂ©rature pour la jeunesse, de Peter Pan au Petit Prince ? MalgrĂ© son Ăąge et son statut autoritaire, la nounou se prĂ©sente en fait comme une figure intermĂ©diaire qui fait le pont entre le monde des enfants et celui des parents. Les gouvernantes dans la littĂ©rature ou au cinĂ©ma occupent davantage qu’un emploi de care auprĂšs des enfants : Nanny McPhee et Mrs. Doubtfire des films Ă©ponymes, ainsi que FrĂ€ulein Maria de The Sound of Music, ont toutes en commun de transformer les familles dans lesquelles elles ne devaient, au dĂ©part, que jouer un rĂŽle secondaire et Ă©phĂ©mĂšre. Parmi les fantasmes de bienveillance, le personnage de Mary Poppins imaginĂ© par l’autrice Pamela L. Travers fait bande Ă  part, car elle rappelle qu’ĂȘtre nounou est un travail comme les autres, avec ce qu’il implique de revendications salariales, de jours de congĂ©, d’expertise, et non, de dĂ©votion.

En 1934, Pamela L. Travers introduit en effet au monde Mary Poppins, cette gouvernante1 excentrique qui marquera plusieurs gĂ©nĂ©rations. Six ouvrages suivront le premier et la sĂ©rie romanesque Ă©ponyme sera adaptĂ©e au grand Ă©cran en 1964, puis de nouveau en 2018. Le succĂšs de ces reprises tĂ©moigne de la pertinence, toujours actualisĂ©e, de la gouvernante arrivĂ©e Ă  la rescousse d’une famille de la petite bourgeoisie et qui repart lorsque les vents ont changĂ© dans les sociĂ©tĂ©s occidentales. Voyageant Ă  travers les peintures sur les trottoirs, distribuant du sirop Ă  la saveur changeante et discutant avec les animaux, Mary Poppins se dĂ©marque par son rapport Ă  l’imaginaire et au merveilleux propres Ă  l’enfance. Mais c’est aussi le rapport trĂšs particulier Ă  son travail qui distingue ce personnage des nounous « ordinaires Â», faisant d’elle une nounou d’exception.

La rĂ©alitĂ© des nounous « ordinaires Â», telles qu’étudiĂ©es par Caroline Ibos dans son livre Qui gardera nos enfants ?2, s’éloigne considĂ©rablement de la version idĂ©alisĂ©e vĂ©hiculĂ©e par la littĂ©rature pour la jeunesse. Les treize nounous ivoiriennes qu’Ibos rencontre entre avril 2002 et juillet 2004 dans un square du 9e arrondissement de Paris n’ont que l’endos nĂ©gatif de la figure intermĂ©diaire dĂ©crite ci-haut. Elles sont sans rĂ©el lieu d’appartenance, dĂ©chirĂ©es entre Abidjan et Paris ; sans lieu de vie fixe, ne disposant d’aucun espace chez la famille employeuse et Ă©tant constamment en dĂ©placement ; sans considĂ©ration dans une cellule familiale qui s’ouvre Ă  son corps dĂ©fendant Ă  une Ă©trangĂšre ; et souvent, sans papiers en France, relĂ©guĂ©es aux marges de la lĂ©galitĂ©. Les femmes interviewĂ©es par Ibos partagent un autre trait commun : aucune d’entre elles ne souhaite ĂȘtre nounou. À leur prĂ©caritĂ© imposĂ©e s’ajoute par consĂ©quent leur volontĂ© de ne faire du travail de nounou qu’une Ă©tape provisoire. C’est faute de mieux qu’elles s’engagent dans une relation inĂ©gale avec la famille employeuse, incarnĂ©e le plus souvent par la mĂšre. Les mĂšres, Ă©tudiĂ©es quant Ă  elles par une seconde enquĂȘte d’Ibos auprĂšs de vingt et une familles de quartiers embourgeoisĂ©s de Paris, se rĂ©signent difficilement Ă  ce qu’une inconnue s’occupe de leurs enfants, vive dans leur appartement de jour et veille Ă  l’entretien de leurs biens. La relation entre ces deux femmes, l’employeuse de la petite-bourgeoisie et l’employĂ©e immigrĂ©e, non qualifiĂ©e, commence dans la mĂ©fiance et l’incomprĂ©hension mutuelles. MĂȘme s’il y a prestation d’un service maternant, on retrouve en fait peu de care dans le rapport entre les deux femmes et dans le travail comme tel de la nounou.

Afin de croiser la perspective littĂ©raire et historiquement situĂ©e du roman Mary Poppins Ă  celle sociologique et contemporaine de Caroline Ibos dans Qui gardera nos enfants ?, nous proposons de nous intĂ©resser aux convergences entre les deux ouvrages, Ă  leurs divergences et enfin, aux idĂ©es reçues qu’ils comportent. Si la scĂšne de l’embauche, l’occupation problĂ©matique de l’espace et la difficile place du care s’y ressemblent, la question de l’expertise, de la race et des rapports coloniaux montre l’écart entre une reprĂ©sentation fictive du rĂŽle de la gouvernante au dĂ©but du XXe siĂšcle et son incarnation rĂ©elle dans une grande ville occidentale un siĂšcle plus tard.

CONVERGENCES

Le premier contact : la scĂšne d’embauche

Le rĂ©cit de Travers dĂ©bute alors que l’ancienne gouvernante, Katie Nanna, vient tout juste de quitter son poste. Pris au dĂ©pourvu, Mr. et Mrs. Banks doivent embaucher une nouvelle employĂ©e pour prendre soin de leurs quatre enfants. Dans le roman, le rĂŽle du pĂšre dans le processus d’embauche est restreint. Il se contente d’offrir des conseils Ă  sa femme, l’invitant Ă  envoyer des annonces aux journaux. Cette implication, bien que limitĂ©e, rĂ©vĂšle nĂ©anmoins l’attitude du pĂšre de famille et sa conception hiĂ©rarchique de la relation avec ses employĂ©.e.s, de mĂȘme qu’un certain manque de considĂ©ration pour le travail exigĂ© :

I should get somebody to put in the Morning Paper the news that Jane and Michael and John and Barbara Banks (to say nothing of their Mother) require the best possible Nannie at the lowest possible wage and at once. Then I should wait and watch for the Nannies to queue up outside the front gate, and I should get very cross with them for holding up the traffic and making it necessary for me to give the policeman a shilling for putting him to so much trouble3.

Non seulement demande-t-il la meilleure employĂ©e pour le plus petit salaire possible, mais Mr. Banks s’attend aussi Ă  ce que son offre attire tant de femmes que la circulation en sera affectĂ©e. Dans ce discours, oĂč l’emploi apparaĂźt comme une chance et une occasion immanquables, le dĂ©sĂ©quilibre entre la tĂąche et le salaire est apparemment naturel. La parenthĂšse rĂ©vĂšle aussi le paternalisme de Mr. Banks, qui inclut sa femme dans les personnes Ă  charge. Suivant cette conception, l’employĂ©e ne doit pas seulement s’occuper des enfants, mais assurer le bien-ĂȘtre de tous les membres du foyer. Le pĂšre dĂ©lĂšgue rapidement la tĂąche de l’embauche Ă  sa femme, qui se charge alors de rĂ©diger les annonces et de les envoyer. D’ailleurs, n’avait-il pas soutenu qu’il chargerait quelqu’un (get somebody) de placer une annonce ? L’attitude de Mrs. Banks varie lĂ©gĂšrement de celle de son mari, puisqu’elle supplie les journaux de lui envoyer des candidates : « Mrs. Banks went into the drawing-room and sat there all day long writing letters to the papers and begging them to send some Nannies to her at once as she was waiting Â» (MP, 5 ; nous soulignons). DĂšs les premiĂšres pages, la mĂšre se distingue de l’attitude patriarcale de son mari, sans pour autant ĂȘtre complĂštement empathique Ă  l’égard de ses employĂ©es. AprĂšs tout, lorsqu’elle annonce Ă  Mr. Banks l’embauche de Mary Poppins, Mrs. Banks fait part de son Ă©tonnement Ă  l’égard de la rĂ©ponse de sa nouvelle employĂ©e, « I’ll take the position Â» (MP, 10), qui impliquerait que celle-ci leur fait une faveur (a signal honour). Cette remarque tĂ©moigne de la perception du travail de Mrs. Banks qui croit, comme son mari, que les employĂ©es devraient leur ĂȘtre reconnaissantes. Cependant, Mr. Banks rĂ©vĂšle la vulnĂ©rabilitĂ© dans laquelle se retrouverait la famille sans gouvernante en rĂ©pondant simplement : « perhaps she is Â» (MP, 10).

Dans le film de 1964, c’est pourtant le pĂšre qui prend en charge le processus d’embauche. AprĂšs avoir rĂ©digĂ© une annonce, avec l’aide de sa femme, il demandera Ă  recevoir personnellement les candidates en entrevue. D’ailleurs, cette adaptation propose une rĂ©ponse Ă  l’offre d’emploi beaucoup plus positive que dans le roman, puisque de nombreuses femmes font la queue devant la rĂ©sidence des Banks. Alors que dans le rĂ©cit de Travers, Mary Poppins est la seule Ă  rĂ©pondre Ă  l’appel, le film la met en compĂ©tition avec d’autres femmes, chassĂ©es par le vent qui la porte. Cette version de l’histoire place aussi les enfants dans un rĂŽle actif quant Ă  l’embauche. PlutĂŽt que de simplement observer par la fenĂȘtre, Jane et Michael rĂ©digent une lettre adressĂ©e Ă  une potentielle gouvernante, lettre qui sera Ă  l’origine de l’arrivĂ©e de Poppins. Les qualifications annoncĂ©es par cette derniĂšre seront celles des enfants, et non celles demandĂ©es par Mr. Banks. La contribution des diffĂ©rents membres de la famille dans l’embauche prĂ©dit le rĂŽle de la gouvernante, dont le but sera de rĂ©tablir une harmonie familiale.

En contexte contemporain, il semble que la nounou risque plutĂŽt de perturber l’harmonie familiale, tout en Ă©tant indispensable Ă  la poursuite des objectifs professionnels des parents. Elle est un mal nĂ©cessaire pour des parents qui prennent la dĂ©cision d’employer une nounou Ă  partir de critĂšres d’argent et d’horaire. La scĂšne d’embauche qui en rĂ©sulte, et Ă  laquelle assiste Caroline Ibos, reprend certains aspects observĂ©s dans Mary Poppins â€“ dĂ©sĂ©quilibre entre les attentes et la rĂ©munĂ©ration, rapport hiĂ©rarchique â€“, tout en les amplifiant. Elle n’a rien de l’improvisation apparente du roman et du film. Elle est en fait parfaitement ritualisĂ©e. Les nounous qui y participent sont bien informĂ©es par leur rĂ©seau des questions potentielles qui leur seront posĂ©es et connaissent les piĂšges : ne pas se montrer trop Ă  l’aise, complimenter l’enfant sans Ă©tablir de contact physique, etc. Elles doivent rĂ©pondre Ă  plusieurs critĂšres Ă©lĂ©mentaires des parents : bien parler français, ĂȘtre disponibles et avoir une grande flexibilitĂ© d’horaire, accepter les conditions de rĂ©munĂ©ration, ĂȘtre ponctuelles. Ensuite, d’autres critĂšres plus subjectifs s’imposent : le sens de la dĂ©brouillardise (trouveront-elles le logement des employeurs mĂȘme s’il est difficilement accessible ?), la motivation, le degrĂ© d’adaptation Ă  la vie parisienne, le sens de la responsabilitĂ©, la prudence et enfin, la vocation. Nous le savons grĂące aux thĂ©ories du care, la vocation se prĂ©sente souvent comme un argument avancĂ© par l’employeur, pour justifier de bas salaires et de mauvaises conditions de travail, alors que l’employĂ©.e dĂ©veloppe souvent sa « vocation Â» avec l’expĂ©rience. Pour l’évaluer chez une candidate que les parents ne connaissent pas, ces derniers se fient Ă  trois Ă©lĂ©ments : la nounou est-elle elle-mĂȘme mĂšre, auquel cas elle pourrait avoir une forme d’« instinct maternel Â» ; la nounou rĂ©agit-elle bien en prĂ©sence de l’enfant (sourire, compliments, tentative de dĂ©velopper une complicitĂ©) ; et finalement, la nounou correspond-elle Ă  certains prĂ©jugĂ©s raciaux et culturels ? La question de la race ne se pose pas pour Mary Poppins, mais constitue l’un des principaux rapports de domination auxquels se confrontent les candidates et futures nounous â€“ nous y reviendrons. De Mary Poppins et des entrevues que rapportent Ibos ressort un trait Ă©tonnant : le caractĂšre arbitraire de la sĂ©lection. MalgrĂ© le haut degrĂ© de prĂ©paration des parents suivis par Ibos, au contraire de Mr. et Mrs. Banks qui paraissent dĂ©semparĂ©s, la dĂ©cision se fonde en dĂ©finitive sur des impressions peu rationnelles : l’une des candidates est trop dĂ©sirable, l’autre semble trop peu disponible, la derniĂšre est trop instruite. Le choix va vers la candidate que l’enfant paraĂźt avoir « choisie4 Â» (QGE, 64) et qui correspond Ă  l’image prĂ©conçue que se faisaient les parents d’une nounou qui Ă©voque la « maternalitĂ© Â» (QGE, 61 ; elle est Africaine, a une forte poitrine et la voix douce et posĂ©e). La volontĂ© de « faire ça dans les formes Â» (QGE, 52) comme dans un entretien professionnel se heurte Ă  une reprĂ©sentation stĂ©rĂ©otypĂ©e, qui laisse de cĂŽtĂ© les qualifications pour privilĂ©gier les critĂšres impondĂ©rables de la vocation et de la confiance.

Par ailleurs, ces critĂšres d’embauche prennent aussi en compte la capacitĂ© de la nounou Ă  se fondre dans l’environnement familial. L’employĂ©e doit s’adapter aux habitudes et au mode de vie de la famille employeuse, de maniĂšre Ă  se faire la plus discrĂšte possible. Cet effacement de la nounou au sein de la dynamique familiale interroge son appartenance au foyer et sa capacitĂ© Ă  rĂ©ellement habiter ce nouvel espace qu’on lui dĂ©signe.

Les contacts du quotidien : l’occupation problĂ©matique de l’espace

Mary Poppins donne Ă  penser les possibilitĂ©s de l’occupation d’un espace personnel au sein du domicile des employeurs. Le rapport de la gouvernante au domicile des Banks n’est pas le mĂȘme dans le roman de 1934 que dans le film de 1964, la diffĂ©rence se situant principalement dans l’appropriation de l’espace par l’employĂ©e. Contrairement au film, dont une scĂšne cĂ©lĂšbre montre Mary Poppins en train de personnaliser la chambre qui lui est dĂ©diĂ©e Ă  l’aide de dĂ©corations variĂ©es5, le roman illustre la dissolution de l’employĂ©e dans le foyer des Banks. Dans le rĂ©cit de Travers, Mary Poppins ne possĂšde pas de chambre Ă  elle. Elle ne sort pas de son fameux sac magique des lampes et des accessoires afin de dĂ©corer la piĂšce. Dans ce sac se trouve plutĂŽt un lit de camp, qu’elle installe entre les deux lits des jumeaux John et Barbara (MP, 13), ne rĂ©clamant ainsi qu’un tout petit espace dans la chambre des enfants. De ce fait, elle se fond dans l’environnement familial et prend sa place dans la dynamique des Banks qui, contrairement au rĂ©cit proposĂ© par le film, ne sera pas complĂštement changĂ©e par son passage. D’ailleurs, le chapitre se termine sur la perception qu’ont les autres membres de la maisonnĂ©e, parents et employĂ©es, de la gouvernante, qui sera caractĂ©risĂ©e par sa capacitĂ© Ă  ne pas dĂ©ranger. Celle dont on ne sait que trĂšs peu, « nobody ever knew what Mary Poppins felt about it, for Mary Poppins never told anybody anything Â» (MP, 15), affectera uniquement la vie des enfants Banks, Ă©vitant de laisser sa trace dans le foyer de ses employeur.euse.s.

Si Mary Poppins s’approprie l’espace dans la version cinĂ©matographique, la rĂ©alitĂ© des nounous se rapproche davantage de la version livresque dans laquelle le personnage tente de se fondre dans le dĂ©cor. Toutefois, les nounous ivoiriennes rencontrĂ©es par Ibos font tache, malgrĂ© elles. Elles ne disposent d’aucun espace dans l’appartement familial, comme pour leur rappeler que leur prĂ©sence n’est que transitoire. La plupart d’entre elles ne passent de toute façon que peu de temps dans les familles (des treize femmes interviewĂ©es, seules trois restent dans la mĂȘme famille pendant les trois ans de l’enquĂȘte). Au-delĂ  du critĂšre temporel s’imposent pourtant des considĂ©rations sociologiques. Les nounous ne sont pas rĂ©ellement Ă  leur place dans l’appartement, car elles en rompent l’équilibre. Ibos explique ainsi comment la rĂ©ussite sociale des parents repose entre autres sur la recherche d’une harmonie intĂ©rieure :

Pour les habitants de l’appartement, l’harmonie domestique est dĂ©sirable parce qu’elle reflĂšte le bonheur et la paix familiale, elle prouve une concordance non seulement entre des personnes diffĂ©rentes mais aussi entre des personnes et des objets. ConcrĂ©tisĂ©e par des Ă©lĂ©ments tels que la clartĂ©, le calme ou la propretĂ©, l’harmonie s’impose comme valeur : elle est l’antonyme de la cacophonie du monde ; elle est l’espace de l’épanouissement du sujet6.

Or la nounou charrie avec elle, bon grĂ© mal grĂ©, la cacophonie du monde, dĂšs que l’on voit dans « l’entrĂ©e [ses] chaussures Ă©culĂ©es [...], son sac de plasti[que] crevĂ© et sa veste dĂ©formĂ©e pendue au portemanteau7 Â». Entre l’employeuse, qui accepte difficilement de partager son espace, et l’employĂ©e, Ă  qui on n’accorde pas de place, commence un long conflit sur la maniĂšre de prendre soin de l’intĂ©rieur et qui fait de l’objet brisĂ© ou abĂźmĂ© par la nounou le rĂ©vĂ©lateur de tensions sous-jacentes. Adoptant le point de vue de la patronne, Ibos montre comment l’objet peut devenir le symbole d’une « rĂ©ussite sociale et biographique Â» et comment la nounou se voit confĂ©rer un « pouvoir de nuisance, [...] de dĂ©sorganisation Â» (QGE, 120), qui serait analogue aux fractures macro-politiques entre les États riches et les États pauvres. Si chaque conflit pour un micro-ondes cassĂ© ou des lunettes rayĂ©es ne rejoue pas systĂ©matiquement des tensions mondiales, il est clair que l’écart social entre les deux femmes traduit un rapport diffĂ©rent aux biens matĂ©riels, par la distinction entre une personne qui possĂšde et dĂ©cide du bon usage et une autre qui emprunte et subit les rĂšgles d’autrui. Parce que Mary Poppins ne compte que sur un sac aux attributs magiques, elle semble Ă©chapper de prime abord au rapport de propriĂ©tĂ© de ses employeur.euse.s. Or la fabuleuse nounou appartient Ă©galement Ă  la mĂȘme culture, peut-ĂȘtre Ă  la mĂȘme classe sociale, que les Banks et, par consĂ©quent, elle reproduit intuitivement des normes que ne maĂźtrisent pas les nounous ivoiriennes, Ă©trangĂšres non seulement dans l’appartement, mais aussi dans la ville.

Bien que Mary Poppins maĂźtrise gĂ©nĂ©ralement les codes de vie de ses employeurs, elle ne semble pas rĂ©pondre aux attentes en ce qui trait Ă  l’affection adressĂ©e aux enfants. Si elle arrive Ă  se fondre dans le foyer des Banks, elle conserve tout de mĂȘme une certaine rĂ©serve et Ă©tablit ses limites en restant loin de l’amour maternel. Alors que les sentiments affectueux Ă  l’égard des enfants sont souvent attendus de la part des nounous, Mary Poppins apparaĂźt comme une Ă©trangĂšre dans le foyer puisqu’elle remet en question la tendresse que l’on attend des travailleur.euse.s du care.

Le difficile contact affectif : amour maternel, care et vocation

Mary Poppins remet en question l’idĂ©al de dĂ©votion que l’on attend des travailleur.euse.s du care. Si, dans l’adaptation cinĂ©matographique, Mary Poppins adopte une mĂ©thode plus douce avec Jane et Michael, caractĂ©risĂ©e par la cĂ©lĂšbre phrase « a spoonful of sugar helps the medicine go down8 Â», le personnage de la gouvernante reste loin du clichĂ© d’un amour des enfants dont elle a la charge. La prĂ©occupation premiĂšre de Mary Poppins, autant dans le livre que dans le film, n’est pas de les cajoler, mais de les « garder en vie Â», c’est-Ă -dire d’assurer leur bien-ĂȘtre et leur sĂ©curitĂ©. Cette attitude assez froide Ă  l’égard des jeunes Banks met Ă  mal l’image d’amour et de dĂ©votion associĂ©e aux professions qui prennent Ă  charge des personnes vulnĂ©rables. La majoritĂ© des illustrations qui accompagnent le roman montrent d’ailleurs Poppins avec un visage de marbre, imperturbable. Sur l’illustration signĂ©e par Mary Shepard et sous-titrĂ©e « Crept closer to her and fell asleep Â» (MP, 46), Mary Poppins est assise entre les deux enfants Banks, qui se sont tous les deux endormis sur elle, et manifeste un air dĂ©sintĂ©ressĂ©, le regard fixĂ© au loin. La gouvernante n’affiche pas l’expression de tendresse que l’on pourrait attendre d’elle alors que Jane et Michael sont assoupis Ă  ses cĂŽtĂ©s.

Cette reprĂ©sentation, qui ouvre un espace d’indiffĂ©rence dans une relation supposĂ©ment marquĂ©e par un idĂ©al d’amour maternant, se distingue des attitudes constatĂ©es par Pascale Molinier dans son article « La haine et l’amour, boĂźte noire du fĂ©minisme Â». AprĂšs avoir observĂ© les conditions des auxiliaires dans un centre de la petite enfance, l’autrice explique que de nombreuses employĂ©es ont tendance Ă  compenser la fatigue et la colĂšre qui rĂ©sultent de leur travail en exagĂ©rant leur affection et leur sentiment maternel. Les travailleuses du care agissent comme si les sentiments de colĂšre et de rejet Ă©taient impossibles Ă  accepter et qu’il fallait alors les camoufler sous une apparente dĂ©votion aux enfants. On se retrouve alors dans une logique d’enjolivement de la rĂ©alitĂ© qui « se nourrit de l’idĂ©ologie de tendresse fĂ©minine (une femme qui n’aime pas les enfants n’en est pas une) et contribue Ă  la renforcer9 Â». C’est le discours que l’on entend de la part de Katie Nanna dans l’adaptation cinĂ©matographique, qui dit au moment mĂȘme de sa dĂ©mission, alors qu’elle est exaspĂ©rĂ©e : « I am not one to speak ill of the children10 Â». Cependant, Mary Poppins ne se situe pas du tout dans cette logique. Lorsque les enfants sont ennuyeux, elle le fait savoir. Elle ne se montre pas particuliĂšrement maternelle Ă  leur Ă©gard, ce qui ne signifie pas pour autant que les enfants ne s’attachent pas Ă  leur gouvernante. Cet Ă©cart avec l’imaginaire de la nounou est d’autant plus marquĂ© dans le roman, alors que la soudaine gentillesse de Mary Poppins est perçue comme une anomalie par les enfants puisqu’ils savent que « Mary Poppins never wasted time in being nice Â» (MP, 199). AprĂšs qu’elle a offert un cadeau Ă  Michael sans raison apparente, les jeunes Banks se retrouvent Ă  souhaiter que leur gouvernante redevienne froide et lointaine, la suppliant de retrouver son tempĂ©rament habituel : « Oh, do be cross, Mary Poppins! Do be cross again! It is not like you. Oh, I feel so anxious Â» (MP, 199). Dans ce contexte, la routine et la confiance placĂ©e envers les compĂ©tences de Mary Poppins importent plus qu’une attitude aimante et maternelle de sa part. L’amour et la vocation, des critĂšres prĂ©tendument essentiels pour les travailleur.euse.s du care, sont remis en question par les personnes mĂȘmes qui devraient en bĂ©nĂ©ficier.

C’est pourtant sur la base d’une vocation supposĂ©e que se mesure le travail des nounous, mĂȘme si cette vocation ne peut ĂȘtre balisĂ©e par aucune convention. Corollaire de la vocation, l’amour pour les enfants est l’un des critĂšres les plus importants pour les parents, qui souhaitent qu’en leur absence leur enfant reçoive la mĂȘme quantitĂ© d’amour (mais sans que la nounou ne les dĂ©trĂŽne aux yeux de l’enfant). Dans les familles Ă©tudiĂ©es par Ibos, la valeur accordĂ©e Ă  l’amour justifie paradoxalement les conditions de travail les plus basses :

une bonne Nounou aimerait l’Enfant en tant qu’il est une personne singuliĂšre. [
] Accentuer Ă  ce point l’amour de l’Enfant permet d’abord Ă  l’Employeuse d’anoblir, Ă  ses propres yeux, le travail demandĂ© Ă  la Nounou, transformant les besognes pĂ©nibles et mal payĂ©es en activitĂ©s Ă©panouissantes, valorisantes, surpayĂ©es en quelque sorte par le supplĂ©ment d’ñme qu’elles procureraient11.

Ainsi, la notion d’amour rejoint celle de vocation par son caractĂšre arbitraire et exploitable. Alors que la vocation est gĂ©nĂ©rale, l’amour doit ĂȘtre donnĂ© Ă  un ĂȘtre singulier, l’enfant de la famille employeuse. De la mĂȘme maniĂšre que les parents sont prĂȘts Ă  tout faire pour leur enfant sans ĂȘtre rĂ©munĂ©rĂ©s, ils imaginent que l’amour de la nounou pour l’enfant est gratifiant en lui-mĂȘme. AprĂšs tout, les grands-parents n’acceptent-ils pas de s’occuper de l’enfant sans frais pour dĂ©panner ? Le salaire n’est qu’un complĂ©ment au privilĂšge que les nounous ont de travailler auprĂšs de l’enfant. Pour la famille employeuse, la question de l’amour permet de rĂ©gler un dilemme moral, celui de confier l’ĂȘtre qu’elle aime le plus sur Terre Ă  une personne dont elle ne connaĂźt rien et qu’elle paye Ă  peine. L’amour devient en thĂ©orie le lien mutuel entre l’employeur.se et l’employĂ©e, parce que, grĂące Ă  l’amour, leurs intĂ©rĂȘts convergent pour le bien de l’enfant.

Mary Poppins montre pourtant que l’amour n’entre pas dans l’équation. Dans le film, Jane interroge sa gouvernante sur son attachement Ă  la fratrie, alors qu’elle s’apprĂȘte Ă  la quitter : « Don’t you love us ?  Â» Mary Poppins lui rĂ©pond : « And what would happen to me, may I ask, if I loved all the children I said goodbye to ? 12 Â» Si Mary Poppins aimait les enfants, il lui serait impossible de partir. Or il lui faut toujours repartir, car elle cesse d’ĂȘtre utile passĂ©e l’enfance. De fait, Mary Poppins a compris qu’ĂȘtre gouvernante est un travail comme les autres et elle l’envisage avec un grand dĂ©tachement Ă©motif.

Pour les nounous « rĂ©elles Â» du square parisien, l’attachement se prĂ©sente sous un jour ambivalent, car elles sont, la plupart du temps, en position de dĂ©tachement forcĂ© avec leurs enfants restĂ©s en CĂŽte d’Ivoire. Les voies de l’émigration ivoirienne privilĂ©gient en effet les mĂšres de jeunes enfants, qui confient Ă  la parentĂ© Ă©tendue leur progĂ©niture le temps de gagner suffisamment d’argent en France pour obtenir de bonnes conditions de vie au retour au pays. Ce dĂ©tour par l’Occident, parfois permanent, paraĂźt contre-intuitif pour des mĂšres de famille. Pourquoi ne pas y envoyer plutĂŽt des hommes cĂ©libataires qui ne laissent personne derriĂšre eux ? C’est que, faute d’attaches contraignantes, ces hommes ont tendance Ă  ne pas revenir et, par consĂ©quent, Ă  ne pas faire bĂ©nĂ©ficier la communautĂ© de leurs gains. Les mĂšres-nounous se voient quant Ă  elles tiraillĂ©es entre deux continents et expriment ce dĂ©chirement dans leur relation avec les enfants dont elles prennent soin. Doivent-elles leur donner l’affection qu’elles ne peuvent offrir Ă  leurs enfants ? Trahissent-elles ceux qu’elles ont laissĂ©s au pays ? Au-delĂ  de l’arnaque salariale que reprĂ©sente le prĂ©texte de l’amour maternel, la question se pose de façon dĂ©chirante pour ces femmes qui sont en dĂ©ficit d’amour filial tout en Ă©tant auprĂšs d’enfants Ă  longueur de journĂ©e. Lorsque scission familiale et prĂ©caritĂ© sont prises en compte, il devient Ă©vident que la place des nounous au sein des familles ne peut se rĂ©sumer Ă  un simple travail, sans pour autant s’assimiler Ă  une vocation. N’est pas Mary Poppins qui veut. C’est avec l’expĂ©rience que les employĂ©es et les familles employeuses atteignent le plus grand dĂ©tachement Ă©motif et, du mĂȘme coup, la plus grande stabilitĂ© au sein d’une famille.

Bien que l’histoire de Mary Poppins fasse Ă©cho Ă  plusieurs enjeux vĂ©cus par les nounous ivoiriennes suivies pas Ibos, elle reste un produit de l’imaginaire, une nounou fantasmĂ©e et qui Ă©chappe Ă  la rĂ©alitĂ© plus actuelle de ce travail. Dans la prochaine section, nous nous attarderons Ă  ce qui distingue les Ɠuvres de Travers et d’Ibos et Ă  ce qui est passĂ© sous silence dans l’une et l’autre. Il semble notamment que les questions de l’expertise et des rapports coloniaux ne sont pas traitĂ©es de maniĂšre Ă©gale dans les deux textes.

DIVERGENCES

Une nounou extraordinaire : l’expertise chez Mary Poppins

Si Mary Poppins est en mesure de s’écarter de l’attitude dĂ©vouĂ©e que l’on attend d’elle, c’est parce qu’elle arrive Ă  mettre de l’avant son expertise et son savoir-faire. La gouvernante de Pamela L. Travers en est aussi une d’exception puisqu’elle dĂ©tient une autoritĂ© sur toute la famille, y compris les parents. En considĂ©rant son emploi comme une profession, avec l’expĂ©rience et la spĂ©cialisation que cela implique, Mary Poppins rĂ©ussit Ă  Ă©tablir des limites entre elle et les Banks. Elle en vient alors Ă  invalider l’argument vocationnel qui permet de justifier de maigres salaires et des conditions de travail difficiles. La revendication d’une expertise permet Ă  Mary Poppins d’acquĂ©rir un pouvoir plus grand que celui habituellement dĂ©tenu par les nounous dans la relation avec leurs employeur.euse.s.

Pour les Banks, la vocation est une notion importante. Ils attendent une grande fidĂ©litĂ© de la part de leurs employĂ©es. L’ancienne gouvernante, Katie Nanna, est d’ailleurs prĂ©sentĂ©e comme ayant commis une grande trahison lorsqu’elle quitte le foyer. Dans le roman, dont elle est rapidement Ă©vincĂ©e, il est mentionnĂ© qu’elle ne mĂ©rite pas sa place dans le rĂ©cit (MP, 2). Si elle apparaĂźt un peu plus longuement dans le film, elle est tout de mĂȘme dĂ©peinte comme une femme rude et peu agrĂ©able avec les autres employĂ©es. Ainsi, pour la famille Banks, les femmes qui obtiennent le poste leur sont redevables et leur doivent de se dĂ©vouer Ă  leur tĂąche et de rester tout aussi longtemps qu’on aura besoin d’elles. Or Mary Poppins ne fait pas qu’obtenir le poste : elle l’accepte. L’employĂ©e impose ses conditions, utilise l’orgueil de Mrs. Banks pour obtenir les congĂ©s qu’elle dĂ©sire (MP, 16), et proposera, dans la version cinĂ©matographique, de soumettre le foyer Ă  une pĂ©riode d’essai13. La prioritĂ© de Mary Poppins dans ces scĂšnes n’est pas de « sauver Â» la famille de son dĂ©sarroi, mais bien de trouver un poste satisfaisant : « As long as I’m satisfied Â» (MP, 9 ; l’autrice souligne). Le discours de la gouvernante dans ces scĂšnes est d’ailleurs fortement marquĂ© par la prĂ©sence du pronom « je Â», l’instituant comme sujet dans les Ă©changes et montrant le pouvoir qu’elle dĂ©tient dans la famille. Mary Poppins est la seule Ă  avoir rĂ©pondu Ă  l’offre d’emploi, Mr. et Mrs. Banks n’ont d’autre choix que d’accepter ses conditions. La valeur de son travail est revendiquĂ©e dĂšs le moment oĂč la gouvernante dĂ©construit cette idĂ©e de « chance Â», rĂ©vĂ©lant par la mĂȘme occasion la vulnĂ©rabilitĂ© des employeur.euse.s qui, sans elle, ne pourront prĂ©server leur mode de vie. Cette posture initiale de Mary Poppins influencera tous les rapports avec les Banks et participera Ă  faire d’elle une gouvernante hors de l’ordinaire, presque Ă©trange.

Selon que l’on analyse le livre ou le film, nous arrivons tout de mĂȘme au constat que le rapport de Mary Poppins Ă  son propre emploi modifie les perceptions initiales de la famille Banks. Pourtant, les deux Ɠuvres empruntent des directions assez diffĂ©rentes. Dans le film, la gouvernante introduit le plaisir et la lĂ©gĂšretĂ© dans la vie familiale trĂšs stricte des Banks. Elle rĂ©tablit l’harmonie familiale en dĂ©stabilisant d’abord la vie de ses employeur.euse.s, et principalement de Mr. Banks. Les spectateur.ice.s restent avec l’impression que Mary Poppins est aussi venue Ă  la rescousse des parents. Pour rĂ©ussir Ă  influencer toute la famille, la gouvernante doit opposer sa mĂ©thode de travail Ă  celle qui est attendue par Mr. et Mrs. Banks. Lorsque les employeur.euse.s demandent de la rigiditĂ© et de la discipline, l’employĂ©e rĂ©pond avec de la douceur, un sourire et des jeux Ă  profusion. La Mary Poppins interprĂ©tĂ©e par Julie Andrews rĂ©clame son savoir-faire en prouvant l’importance de l’imaginaire et de l’« esprit d’enfant Â», sujet de nombreux films de jeunesse mettant en scĂšne des parents, dans une dynamique familiale saine. Si cette reprĂ©sentation montre une conception du travail comme une expertise, elle s’écarte pourtant du roman original de Travers. En 1934, l’influence de Mary Poppins se limite effectivement aux enfants. Lorsqu’elle part, les parents Banks agissent de la mĂȘme maniĂšre qu’au tout dĂ©but du roman, c’est-Ă -dire qu’ils dĂ©plorent la trahison de leur employĂ©e, qui a osĂ© les quitter. Ce seront les enfants, Jane et Michael, qui montreront que les vents ont changĂ© en confrontant leurs parents et en rĂ©vĂ©lant la duretĂ© de la mĂšre Ă  l’égard d’une gouvernante qui les satisfaisait amplement avant son dĂ©part :

“I don’t remember what she said, except that she was going. But I certainly shan’t have her back if she does want to come. Leaving me high and dry with nobody to help me and without a word of notice.”

“Oh, Mother!” said Jane reproachfully.

“You are a very cruel woman,” said Michael, clenching his fist, as though at any minute he would have to strike her. (MP, 205-206 ; l’autrice souligne)

Dans cette version, ce sont la valorisation du travail et la remise en question de la vocation qui prĂ©valent. Les enfants Banks comprennent, plutĂŽt que leurs parents, que le travail de Mary Poppins auprĂšs d’eux avait de la valeur et que la famille lui doit un certain respect. Ce faisant, ils brisent le cycle de non-reconnaissance des gouvernantes perçues comme de mauvaises employĂ©es une fois qu’elles dĂ©cident de partir. L’affirmation d’une expertise par Mary Poppins permet, du moins pour la prochaine gĂ©nĂ©ration, de dĂ©tacher le travail de la vocation et porte Ă  repenser les conditions des travailleur.seuse.s du care.

La question de l’expertise et, avec elle, celle de la vocation se posent diffĂ©remment chez les nounous interrogĂ©es par Caroline Ibos. En effet, aucune de ces femmes n’était nounou avant d’arriver en France et, Ă  Abidjan, la plupart d’entre elles appartenaient Ă  une classe suffisamment aisĂ©e pour ne pas avoir Ă  s’occuper de tĂąches domestiques. MĂȘme si elles prennent soin d’enfants depuis leur arrivĂ©e en France, elles ne revendiquent pas une expertise pour autant, si ce n’est dans une approche culturelle distincte de l’éducation des enfants. Pourquoi ne s’affichent-elles pas en expertes du care ? D’une part, leur diffĂ©rence de statut social au pays d’accueil ne leur permet pas de poser des exigences comme le fait Mary Poppins. D’autre part, comme le souligne Ibos, les nounous rencontrĂ©es « ne font aucun mystĂšre [...] de leur absence de considĂ©ration pour un travail qu’elles tiennent pour dur sans pour autant le valoriser Â» (QGE, 132-133). Ici, l’humilitĂ© en matiĂšre d’expertise dĂ©signe surtout une absence de vocation.

Le passage de ces femmes d’un statut social Ă  l’autre, tout dĂ©pendamment du continent sur lequel elles se trouvent, soulĂšve un enjeu complĂštement qui ne s’imposait pas dans l’Ɠuvre de Travers, celui de la race et des rapports coloniaux, puisque les gouvernantes n’étaient pas Ă©trangĂšres Ă  l’époque dĂ©crite. La mise Ă  l’écart de ces femmes dans des postes peu valorisĂ©s ne peut ĂȘtre prise en compte sans considĂ©rer les tensions qui existent toujours sur le territoire français, dont l’histoire reste marquĂ©e par le colonialisme. Alors que l’aspect un peu magique, voire angĂ©lique, de Mary Poppins lui permet de s’extraire de considĂ©rations sociologiques â€“ les aspects coloniaux, nĂ©cessairement absents, auraient pu ĂȘtre remplacĂ©s par des questions de classes sociales â€“, les nounous « modernes Â» comme celles rencontrĂ©es par Ibos s’y retrouvent constamment confrontĂ©es.

Des nounous dominĂ©es : la question de la race et des rapports coloniaux

L’univers des nounous du square paraĂźt, Ă  l’égard de la question de la race et des rapports coloniaux, inconciliable avec celui de Mary Poppins. Le poids de la race est des plus visibles aujourd’hui (des enfants blancs au square surveillĂ©s par un groupe de femmes noires), alors qu’il est absent dans Mary Poppins. Nous ne savons rien du passĂ© de Mary Poppins, ni de son futur d’ailleurs, mais rien ne permet d’infĂ©rer une diffĂ©rence culturelle avec la famille Banks. Elle semble appartenir Ă  un milieu social proche de celui des Banks et, dans tous les cas, en partager les normes et les valeurs. Le roman de Travers ne donne pas d’indication temporelle prĂ©cise, mais l’histoire semble contemporaine Ă  son Ă©criture et pourrait, par consĂ©quent, se dĂ©rouler dans le Londres des annĂ©es 1930. En France, Ă  la mĂȘme Ă©poque, les mouvements migratoires de domestiques vont encore des campagnes vers les villes, ce qui traduit une relative homogĂ©nĂ©itĂ© de la population14. Le portrait change au fil du XXe siĂšcle et passe d’une relative homogĂ©nĂ©itĂ© Ă  une « Ă©conomie transnationale du care15 Â» Ă  laquelle appartiennent les nounous ivoiriennes de Paris Ă  l’aube du XXIe siĂšcle. L’ampleur mondiale du phĂ©nomĂšne s’observe dans les transferts d’argent facilitĂ©s par des multinationales comme Western Union, les rĂ©seaux de parrainage pour l’obtention de visas, l’économie ivoirienne redevable Ă  la diaspora, entre autres. L’enquĂȘte de Caroline Ibos le prouve : Ă  partir des annĂ©es 2000 et peut-ĂȘtre mĂȘme avant, il n’est plus possible de penser les nounous sans les intĂ©grer dans un rĂ©seau d’échange mondialisĂ©.

À l’échelle du salon de la famille employeuse, ce lien macroscopique reste le plus souvent impensĂ©. Rares sont les parents qui peuvent vĂ©rifier si les papiers d’identitĂ© prĂ©sentĂ©s sont authentiques (cinq des femmes interviewĂ©es par Ibos sont sans-papiers) et qui ont des connaissances autres que « sommaires Â» (QGE, 182) sur la CĂŽte d’Ivoire. Tout comme pour Mary Poppins, on ne peut imaginer l’existence de la nounou Ă  l’extĂ©rieur des heures passĂ©es auprĂšs des enfants. Le vide de connaissance se comble plutĂŽt par des prĂ©jugĂ©s raciaux, particuliĂšrement audibles lors des entretiens d’embauche. Les parents parlent sans scrupules des nounous africaines qui Ă©picent trop la nourriture et sont nonchalantes, mais sont davantage maternelles et tendres, des nounous maghrĂ©bines qui sont sĂ©vĂšres et susceptibles, mais plus responsables, des nounous asiatiques propres et minutieuses, mais trop froides avec les enfants, etc. En raison de l’origine de ces nounous, il est difficile de ne pas voir un lien avec le passĂ© colonial français, car Caroline Ibos souligne notamment que les « stĂ©rĂ©otypes colonialistes du Noir prodigue, infantile et irresponsable, semblent durablement gravĂ©s dans l’imaginaire politique Â» (QGE, 58). À propos des nounous africaines, deux types sont relevĂ©s, l’un au dĂ©triment de l’autre : « La candidate correspondant au stĂ©rĂ©otype de la “grosse Noire” Ă©voque bien plus la “maternalitĂ©â€ que la candidate rapportĂ©e au stĂ©rĂ©otype de la “grande Black” et lui est systĂ©matiquement prĂ©fĂ©rĂ©e. Â» (QGE, 61) Ces prĂ©jugĂ©s raciaux nient l’expĂ©rience et l’identitĂ© de la nounou : les familles employeuses ne savent en dĂ©finitive rien ou presque de la nounou, puisqu’elle cesse d’exister dĂšs qu’elle quitte leur maison ; elle est sans passĂ© ni avenir. Ce qui advient d’elle aprĂšs qu’elle a Ă©tĂ© congĂ©diĂ©e ou que l’enfant a grandi importe peu, de mĂȘme que sa vie personnelle et ses contraintes liĂ©es Ă  son pays natal n’entrent pas dans la relation du point de vue de la famille employeuse, mĂȘme si elles comptent pour l’employĂ©e.

À cet Ă©gard, la question des enfants des nounous se pose cruellement, alors qu’elle est absente du roman de Travers. D’aprĂšs ce que l’on peut dĂ©duire, Mary Poppins n’est pas elle-mĂȘme une mĂšre. Le lien des nounous ivoiriennes Ă  leurs propres enfants restĂ©s au pays montre la toile inextricable qui se tisse autour de chacune d’entre elles. Les enfants Ă  l’étranger ne sont Ă©voquĂ©s qu’avec douleur par ces femmes, car ils grandissent sans elles, auprĂšs d’une parentĂ© qui ne s’occupe pas nĂ©cessairement bien d’eux. Parce que la question est douloureuse, elles essaient toutes de l’éviter et de penser le moins possible Ă  leurs enfants. Elles disent, qu’autrement, l’obsession de les revoir les rendrait folles. D’autres affirment qu’elles finissent par prĂ©fĂ©rer l’enfant qu’elles gardent, mais cela n’a pas vĂ©ritablement Ă  voir avec l’enfant comme tel, ni davantage Ă  de l’amour, qu’à la situation : l’enfant gardĂ© est vu tous les jours, alors que l’enfant au loin n’est accessible que briĂšvement par des Ă©changes qui rendent les nounous tristes. Les enfants au pays sont frĂ©quemment mandatĂ©s par leurs proches de demander de l’argent, ce qui augmente les soucis des mĂšres : Ă  quoi leurs enfants ont-ils accĂšs, l’argent se rend-il Ă  eux, Ă©conomiseront-elles suffisamment ? Sans que les familles employeuses n’en prennent rĂ©ellement conscience, elles n’embauchent pas uniquement une femme lorsqu’elles choisissent une nounou, mais tout un rĂ©seau qui dĂ©pend d’elle (les enfants au pays) et qui profite d’elle (la parentĂ© qui s’occupe des enfants, les « tantes Â» qui favorisent l’installation en France). En fermant leurs yeux sur la rĂ©alitĂ© complexe de la nounou, les parents prĂ©tendent que la relation n’existe qu’entre eux, l’employĂ©e et l’enfant gardĂ©. Ils lui donnent l’apparence d’une simple relation de travail, d’oĂč leur dĂ©sir de faire un entretien d’embauche aux allures professionnelles. S’il Ă©tait possible d’exclure les facteurs extĂ©rieurs de domination (de race, de genre, de classe), il n’y aurait peut-ĂȘtre lĂ  qu’un simple travail, comme semble le vivre Mary Poppins. Pourtant, ni les attentes en termes de vocation et d’amour ni les implications politiques transnationales ne sont celles d’un banal emploi. Les micro-conflits pour un objet brisĂ© ou un retard le matin dĂ©passent, lorsque pris dans leur ensemble, l’appartement de la famille employeuse et dĂ©signent des dynamiques de domination plus globales : « De mĂȘme que l’appartement parisien, mĂ©taphore de la sociĂ©tĂ© française, fonctionne au mĂ©pris de la nounou, la sociĂ©tĂ© française semble incapable de reconnaĂźtre la dette Ă©conomique et morale qu’elle contracte auprĂšs des travailleuses du care. Â» (QGE, 219) MĂȘme si l’exemple de Mary Poppins nous rappelle qu’ĂȘtre nounou n’est qu’un travail comme les autres, il semble impossible lorsque l’on considĂšre les nounous ivoiriennes de tirer la mĂȘme conclusion : leur travail est une source de domination, parmi les autres dominations qui caractĂ©risent leur expĂ©rience d’immigration.

Idées reçues et angle mort

La lecture croisĂ©e du roman de Pamela L. Travers et de l’enquĂȘte de Caroline Ibos a rĂ©vĂ©lĂ© que certaines idĂ©es prĂ©conçues sur les nounous en Ă©taient absentes. Ces attentes déçues, dĂ©trompĂ©es, agiront ici en guise de conclusion Ă  notre rĂ©flexion commune sur la figure fictive de la nounou et son incarnation rĂ©elle contemporaine.

L’une des idĂ©es reçues se rapporte Ă  la sexualitĂ© de la nounou et Ă  ses reprĂ©sentations fantasmĂ©es. Elle provient en partie d’un malentendu quant Ă  l’incarnation du personnage de Mary Poppins au cinĂ©ma par Julie Andrews. L’actrice condense plusieurs idĂ©aux du fĂ©minin par sa minceur, sa grĂące, la fraĂźcheur de son teint et l’élĂ©gance de sa toilette, qui font d’elle un objet de fantasme potentiel des spectateur.ice.s du film, tout Ăąge confondu. Alors que son physique peut ĂȘtre admirĂ© tout au long du film, celui de Mary Poppins n’est dĂ©crit que sommairement dans le roman : « Jane and Michael could see that the newcomer had shiny black hair [...] [and] that she was thin, with large feet and hands, and small, rather peering blue eyes.  Â» (MP, 6) La narration prĂ©cise par la suite que « Mary Poppins was very vain and liked to look her best. Indeed, she was quite sure that she never looked anything else. Â» (MP, 16-17) MalgrĂ© des attributs qui concordent avec ceux de Julie Andrews, la Mary Poppins romanesque peut difficilement ĂȘtre l’objet d’une fĂ©tichisation, car son corps disparaĂźt de la narration. Quant Ă  son attitude gĂ©nĂ©rale de froideur et de fiertĂ©, elle empĂȘche toute forme de projection sexuelle sur sa personne. Étrangement, alors que la reprĂ©sentation de la domestique comme objet sexuel accessible est frĂ©quente en rĂ©gime contemporain â€“ il suffit de penser Ă  l’agression de Dominique Strauss-Kahn sur une femme de chambre Ă  New York â€“, elle est absente de l’analyse de Caroline Ibos. Seuls les commentaires d’un pĂšre lors d’un entretien d’embauche (« Mais elle est canon cette nana ! Si tu veux que je rentre tĂŽt, on l’embauche tout de suite ! Â» [QGE, 60]) traduisent une perception sexualisĂ©e de la nounou. La candidate reluquĂ©e sera d’ailleurs Ă©cartĂ©e sous prĂ©texte qu’elle paraĂźt trop prĂ©cieuse pour changer des couches. La sociologue choisit de ne pas analyser les nounous au prisme de la sexualitĂ©, mais cela ne signifie pas que la question ne se pose pas. La sexualitĂ© apparaĂźt sans doute marginale, et peut-ĂȘtre davantage taboue (les nounous ne disent pas tout Ă  la sociologue), par rapport aux autres sources de domination. D’ailleurs, Ibos montre comment les pĂšres s’excluent trĂšs vite de la responsabilitĂ© de leur employĂ©e au point oĂč ils Ă©voquent « l’hypothèse de [leur] incapacité à reconnaître la [n]ounou dans un lieu public16 Â». Cette absence de relation limite vraisemblablement les reprĂ©sentations fantasmĂ©es.

L’autre idĂ©e reçue qui ne trouve pas sa place dans les Ɠuvres Ă©tudiĂ©es est celle de la maternitĂ© de substitution. Comme les nounous passent l’essentiel de leur temps avec les enfants, il est normal de supposer un lien d’attachement de la nounou envers les enfants et inversement. Or nos analyses montrent plutĂŽt qu’un dĂ©tachement est nĂ©cessaire de la part de ces femmes et qu’en aucun cas elles ne souhaitent assurer un rĂŽle de mĂšre substitut. Par sa distance, Mary Poppins exprime peu d’amour et d’affection. Elle refuse par consĂ©quent de jouer un rĂŽle maternant auprĂšs des enfants Ă  sa charge, jusqu’à prĂ©tendre qu’elle ne sait pas rĂ©pondre aux besoins des jumeaux afin de rassurer Mrs. Banks sur ses propres compĂ©tences maternelles. Quant aux nounous ivoiriennes, leur ambivalence affective ne va pas jusqu’à une maternitĂ© de substitution. En plus de l’impossible remplacement de l’enfant gardĂ© par l’enfant absent, les nounous sont freinĂ©es dans leur relation par la grande prĂ©caritĂ© de leur emploi. Elles ont intĂ©rĂȘt Ă  maintenir une distance et une certaine rĂ©serve, car la relation de pouvoir leur est toujours dĂ©favorable. Avec elle viennent Ă©galement des conflits de valeurs Ă©ducatives, de telle sorte que les nounous ne cherchent pas Ă  Ă©lever les enfants parisiens comme leurs propres enfants. Nous ne savons pas ce que les enfants pensent de leurs nounous ivoiriennes, mais Ibos donne des exemples d’enfants dont l’attachement s’exprime par leur dĂ©ception lorsque leur nounou ne revient pas ou par leur maniĂšre de chĂ©rir certains de ses objets. D’autres enfants se liguent plutĂŽt contre elle et rapportent Ă  leurs parents ce qu’elle ne fait pas bien afin qu’elle soit rĂ©primandĂ©e. Au contraire du roman Mary Poppins qui rend compte de l’attachement ressenti par les enfants pour leur gouvernante, l’enquĂȘte de Caroline Ibos laisse les enfants dans son angle mort. C’est lĂ  sans doute ce que ne peut pas faire la sociologie : brosser un portrait idĂ©alisĂ© de la gouvernante, non pas telle que les donnĂ©es objectives la dĂ©crivent, mais telle qu’un adulte pourrait se souvenir d’elle, avec la nostalgie de l’enfance. La littĂ©rature pour la jeunesse permet parfois Ă  quelques figures de nounous de ne pas ĂȘtre oubliĂ©es, malgrĂ© la prĂ©caritĂ© et l’interchangeabilitĂ© qui attendent la plupart d’entre elles.


Références bibliographiques

Corpus primaire

Travers, Pamela L., Mary Poppins, Toronto, Harcourt, 1997 [1934].

Corpus critique

Ibos, Caroline, Qui gardera nos enfants ? Les nounous et les mĂšres, Paris, Flammarion, 2012.

Ibos, Caroline, « Du macrocosme au microcosme, du vaste monde Ă  l’appartement parisien, la vie morale de la Nounou Â», Multitudes, vol. 37-38, no 2, 2009, p. 123-131.

Martin-Fugier, Anne, La place des bonnes. La domesticitĂ© fĂ©minine Ă  Paris en 1900, Paris, Perrin, coll. Â« Tempus Â», 2004 [1979].

Molinier, Pascale, « La haine et l’amour, la boĂźte noire du fĂ©minisme ? Une critique de l’éthique du dĂ©vouement Â», Nouvelles Questions FĂ©ministes, vol. 23, no 3, 2004, p. 12-25.

Filmographie

Stevenson, Robert, Mary Poppins, États-Unis, Walt Disney, 1964.


  1. Nous utiliserons le terme « gouvernante Â» pour qualifier Mary Poppins afin de distinguer le personnage fictif des nounous « rĂ©elles Â» Ă©tudiĂ©es par Ibos. Le choix du terme « gouvernante Â» permet aussi de caractĂ©riser le pouvoir particulier que dĂ©tient Mary Poppins dans le foyer des Banks, les gouvernantes Ă©tant habituellement aussi en charge de l'Ă©ducation des enfants.↩

  2. Caroline Ibos, Qui gardera nos enfants ? Les nounous et les mĂšres, Paris, Flammarion, 2012. DorĂ©navant, les rĂ©fĂ©rences Ă  cet ouvrage seront indiquĂ©es entre parenthĂšses dans le corps du texte par le sigle QGE, suivi du numĂ©ro de la page.↩

  3. Pamela L. Travers, Mary Poppins, Toronto, Harcourt, 1997[1934], p. 3. DorĂ©navant, les rĂ©fĂ©rences Ă  cet ouvrage seront indiquĂ©es entre parenthĂšses dans le corps du texte par le sigle MP, suivi du numĂ©ro de la page.↩

  4. Voir l’ensemble du troisiĂšme chapitre, « La cĂ©rĂ©monie du recrutement Â», pour davantage d’exemples de scĂšnes d’embauche.↩

  5. Robert Stevenson, Mary Poppins, États-Unis, Walt Disney, 1964, 28 min 45 s.↩

  6. Caroline Ibos, « Du macrocosme au microcosme, du vaste monde Ă  l’appartement parisien, la vie morale de la Nounou Â», Multitudes, vol. 37-38, no 2, 2009, p. 124.↩

  7. Ibid. , p. 125.↩

  8. Robert Stevenson, Mary Poppins, op. cit., 32 min 25 s.↩

  9. Pascale Molinier, « La haine et l’amour, la boĂźte noire du fĂ©minisme ? Une critique de l’éthique du dĂ©vouement Â», Nouvelles Questions FĂ©ministes, vol. 23, no 3, 2004, p. 20.↩

  10. Robert Stevenson, Mary Poppins, op. cit. , 10 min 50 s.↩

  11. Caroline Ibos, « Du macrocosme au microcosme, du vaste monde Ă  l’appartement parisien, la vie morale de la Nounou Â», loc. cit., p. 129.↩

  12. Robert Stevenson, Mary Poppins, op. cit., 2 h 11 min 10 s.↩

  13. Ibid., 26 min 15 s.↩

  14. Voir Ă  ce sujet Anne Martin-Fugier, La place des bonnes. La domesticitĂ© fĂ©minine Ă  Paris en 1900, Paris, Perrin, coll. Â« Tempus Â», 2004 [1979], p. 17-26.↩

  15. Caroline Ibos, « Du macrocosme au microcosme, du vaste monde Ă  l’appartement parisien, la vie morale de la Nounou Â», loc. cit., p. 123.↩

  16. Ibid., p. 126.↩

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