Colloque : « Limites et possibles de l’accompagnement »
Organisé à l’Université de Montréal du 24 au 26 mai 2023, ce colloque interdisciplinaire en recherche-création interroge la notion d’accompagnement. Le programme est disponible sur le site Web de l’événement.
Description :
La notion d’accompagnement est, depuis quelques années, posée en avant-plan des discours politiques, sociaux et universitaires. Bien que l’intérêt dont elle est l’objet a précédé les évènements mondiaux des deux dernières années, la pandémie a révélé au public à la fois la précarité et l’importance cruciale des soignant.e.s et des travailleur.se.s essentiel.le.s trop souvent marginalisé.e.s. Encore, à l’automne 2022, la pénurie au Québec d’enseignant.e.s de secondaire et du primaire rend patent le peu d’avantages (sociaux, économiques et symboliques) dont bénéficient les accompagnant.e.s de l’enfance et de l’adolescence, en même temps que leur dimension nécessaire. Par ailleurs, on voit se dessiner dans l’espace social une prolifération des modes d’accompagnement, généralement vue d’un bon œil : mentorat par les pairs, tutorat, normalisation du suivi psychologique et de l’éducation spécialisée, etc. On assiste par conséquent à une revalorisation symbolique du « prendre soin », laquelle ne profite pas nécessairement à ceux et celles qui accompagnent. En ce sens, les études du care, qui s’emploient à repenser l’attention à l’autre, s’orchestrent autour d’une volonté de mettre au centre de la pensée le caractère crucial de l’accompagnement dans la vie humaine. Si ces théories s’intéressent aux personnes accompagnantes souvent marginalisées, elles proposent aussi de considérer les êtres humains non pas en individus autonomes mais comme des êtres vulnérables et interdépendants. Toutefois, l’acte d’accompagner suscite parallèlement une méfiance, laquelle est particulièrement aiguë vis-à-vis des professeur.e.s, éditeur.trice.s, médecins et autres « guides », c’est-à-dire lorsque s’y mêle un rapport de force dont on craint que certain.e.s ne tirent profit (abus relationnel, d’autorité ou de pouvoir). Par conséquent, tout en étant valorisé d’une part, l’accompagnement est aussi mis sous la loupe : quelles limites peuvent ou ne peuvent pas être franchies par celui ou celle qui accompagne ? Comment un.e professeur.e, par exemple, peut-il.elle ou ne peut-il.elle pas guider un.e étudiant.e ? Comment un.e éditeur.trice oriente-t-il ou oriente-t-elle un texte sans l’étouffer ? Comment un.e psychologue, ou un.e psychanalyste, peut-il ou peut-elle négocier ce jeu entre influence et écoute face à un.e patient.e vulnérable ? Comment un.e soignant.e fait-il ou fait-elle pour prendre ses responsabilités professionnelles tout en laissant un.e malade choisir « pour lui-même », « pour elle-même » ? En d’autres termes, que faire lorsque l’accompagnement devient ambigu au point de le rendre suspect, et de mettre en question la possibilité même « d’accompagner » ? Et que penser des tentatives de dématérialisation de l’acte d’accompagner, qui le rationalisent et l’encadrent mais le déshumanisent aussi : assistances intelligentes et diverses applications de soutien, qu’elles soient financières, psychologiques ou de santé ? Comment la littérature peut-elle nous permettre de réfléchir ces ambiguïtés, comment peut-elle elle-même accompagner ? C’est parce que les questions que suscitent ces différentes positions s’opposent, s’entrechoquent, et pourtant se recoupent, qu’il paraît nécessaire d’interroger de façon critique la notion d’un « bien accompagner », en s’arrêtant sur les difficultés, limites, et ambivalences spécifiques à l’accompagnement. Peut-on dire que cet acte qu’est l’accompagnement n’existe finalement que dans le hiatus, celui qui échappe à la contractualisation et qui le rend, aussi, profondément humain ?
Ce colloque interdisciplinaire en recherche-création sera structuré autour de trois grands axes, qui sont autant d’ambivalences/points limites de la notion d’accompagnement.
La résistance et la résilience face au soin : L’essor actuel des humanités médicales tend à « humaniser » la pratique du soin, notamment par sa posture interdisciplinaire dans les médecines narratives. Quel rapport l’accompagné.e (patient.e, malade, élève, etc.) entretient-il ou entretient-elle avec l’accompagnement ? Comment la résistance au modèle du « bien (être) accompagner(é.e) » devient-elle partie prenante du soin ?
L’autorité et la vulnérabilité : Les études du care ont mis en lumière la vulnérabilité inhérente de l’être humain, et insisté sur la notion de responsabilité que chacun a envers l’autre. Quelle vulnérabilité l’accompagnement vient-il panser, mettre en lumière ? Comment se déplacent les rôles de la vulnérabilité et de l’autorité dans un processus d’accompagnement ?
La confiance et la méfiance : L’accompagnement est généralement basé sur un principe de confiance mutuelle. Comment cette confiance peut-elle être instaurée dans un processus d’accompagnement ? Devrait-on contractualiser les modes d’accompagnement, pour rendre ce dernier plus sécuritaire ?
Ce sont autour de telles questions que nous vous invitons à penser avec nous.