Appel à contributions : La médecine des femmes

Le no 27 de la revue Italies sera consacré à l’étude des rapports entre les femmes et la médecine. Intitulé « La médecine des femmes. Les soignantes, réalités et représentations en Italie », il propose d’analyser les images complexes et contradictoires des femmes soignantes « dans une perspective la plus large possible, incluant tous les supports : histoire, littérature, iconographie, médias… La période concernée par cette analyse se veut aussi très large, allant de l’antiquité à nos jours. Il sera possible d’analyser ces figures du point de vue historique, littéraire, iconologique ou social, en élargissant la recherche à la guérisseuse-sorcière et à la soignante-empoisonneuse, que cela concerne des faits réels ou imaginaires ». La date limite pour envoyer des propositions d’articles en français ou en italien est le 15 juin 2022 (la publication du numéro étant prévue pour l’automne 2023). Tous les détails se trouvent sur Fabula.

Description :

Depuis des siècles, dans la société italienne, c’est aux femmes que revient la tâche de s’occuper des malades et des convalescents, d’assister aux accouchements, de soigner les plaies et les blessures, de préparer ou d’administrer les médicaments, d’accompagner les agonisants. Pourtant, la profession médicale leur a été de facto interdite jusqu’à la fin du XIXᵉ siècle, et même au XXᵉ il a fallu batailler longtemps avant que la figure de la « doctoresse » ne soit réellement acceptée. Traditionnellement reléguée au statut subordonné d’aide-soignante ou d’infirmière, la femme soignait mais n’avait pas voix au chapitre : le diagnostic et le choix thérapeutique étaient l’affaire du médecin, l’homme de science, et elle était censée obéir aveuglément à ses ordres, à la maison comme à l’hôpital.

Méprisées par la plupart des médecins, les guérisseuses (rebouteuses, accoucheuses, matrones, herboristes, etc.) jouissaient en revanche de la reconnaissance populaire et d’une incontestable liberté dans le diagnostic et le choix de la thérapie, mais elles étaient exposées à des risques de représailles, d’accusations et de condamnations en cas d’erreur ou de mécontentement du client. De surcroît, elles faisaient partie d’une catégorie souvent soupçonnée de sorcellerie, avec toutes les conséquences que cela comportait jusqu’au XVIIᵉ siècle, mais même après la fin de la chasse aux sorcières, elles pouvaient facilement devenir des marginales ou être chassées du village. On demandait aux femmes de soigner les malades, mais on ne leur faisait guère confiance : l’ange pouvait vite se métamorphoser en démon. Même la bonne mère de famille ou la fille dévouée, du moment qu’elles manipulaient nourriture et médicaments, étaient souvent considérées comme un danger potentiel pour les malades, que ce soit par bêtise féminine « naturelle », par malveillance ou par négligence, et il fallait donc qu’un homme les ait toujours à l’œil. Ce n’est pas un hasard si jusqu’à des temps récents, dans les pays les plus conservateurs – parmi lesquels figure évidemment l’Italie –, les soins des malades dans les hôpitaux, les cliniques et chez les particuliers fortunés ont été de préférence confiés à des religieuses. Les moniales étaient par profession obéissantes, dévouées et asexuées et, aux yeux des médecins comme de la population, cela semblait être une garantie d’abnégation et de compétences largement supérieures à celles des infirmières laïques. Ce n’est qu’après la Grande Guerre que l’image de l’infirmière change et qu’on commence aussi à voir nombre de femmes médecins, dont en Italie on se méfiera encore longtemps car on les supposait « incompétentes » par rapport à leurs homologues masculins.

La femme est donc l’ange qui chérit le malade, veille sur lui et contribue à sa guérison, mais aussi le démon qui pourrait se servir de ses connaissances et de son rôle pour lui nuire. Images contradictoires et complexes, que nous proposons d’analyser dans une perspective la plus large possible, incluant tous les supports : histoire, littérature, iconographie, médias… La période concernée par cette analyse se veut aussi très large, allant de l’antiquité à nos jours. Il sera possible d’analyser ces figures du point de vue historique, littéraire, iconologique ou social, en élargissant la recherche à la guérisseuse-sorcière et à la soignante-empoisonneuse, que cela concerne des faits réels ou imaginaires.

Du point de vue de la problématique, plusieurs questions se posent. Par exemple, comment le rapport entre femme et médecine a-t-il été représenté ? Quelles héroïnes et anti-héroïnes endossent les rôles “médicalisés” dans les ouvrages de fiction ? Comment sont-elles dépeintes dans les chroniques des faits divers où elles ont éventuellement été impliquées ? Quelle est leur image dans l’iconographie ? Le savoir-faire médical, la connaissance des plantes et des remèdes étaient-ils perçus comme dangereux si le “savant” était une femme ? 
Il ne faudrait pas non plus oublier l’image fortement érotisée de l’infirmière ou de la femme-médecin dans le cinéma ou la bande dessinée, mais aussi en littérature : pourquoi cet aspect a-t-il autant d’importance ? S’agit-t-il d’un lien « classique » entre Éros et Thanatos ou d’autre chose ? 

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Film : 𝑂𝑢𝑖𝑠𝑡𝑟𝑒ℎ𝑎𝑚

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Journée d’étude : Sorcières/sorciers et guérisseurs/guérisseuses : Techniques de soins et pratiques d’espaces dans les littératures et les arts d’Europe et d’Afrique